Publié le 11 mars 2022
Retrouvez chaque semaine les tragi-comiques péripéties de la famille Schinken Pochon ///// Tous les membres de la famille se sentent concernés par la guerre en Ukraine, de différentes manières. Du coup, Jacques-André se retrouve privé de sexe et de sa salade préférée, et en plus personne ne semble s’intéresser aux prochaines élections cantonales vaudoises. Il ne trouve du réconfort que dans le renforcement du manichéisme géopolitique.

Jacques-André Schinken est professeur d’histoire-géographie, il vote socialiste, il a 56 ans. Nadège Pochon est psychologue, elle vote Vert Libéral, elle a 55 ans. Ils ont deux enfants, Simon-Pierre, 21 ans, étudiant en droit, et Prune, 19 ans, artiste.

Quelle horreur, quelle désespérante époque! Aucun membre de ma famille ne va voter socialiste aux prochaines élections et le prix de l’essence flambe. Notre désaccord, à Nadège et moi, date de l’époque où elle est sortie avec un jeune radical, quelques jours après notre rapport un peu décevant dans la R5 après le concert de Charles Trenet au Paléo. Nous nous sommes rabibochés deux ans plus tard, lorsqu’il l’a quittée, mais n’avons plus jamais retrouvé notre complicité politique.     

Simon-Pierre a décidé de ne plus prendre position jusqu’à la fin de la guerre en Ukraine. Il est totalement déprimé. Il admire Poutine et en même temps il a de la sympathie pour les vigoureux membres du régiment nationaliste ukrainien Azov. Cette époque incertaine est difficile pour nos jeunes, elle leur fait perdre leurs repères. Heureusement, les choses se remettent en place: les Russes sont retournés du mauvais côté du rideau de fer. C’est rassurant.    

Prune n’accepterait de voter que pour un parti animaliste et aucun ne se présente aux élections. Je lui ai proposé de l’argent pour voter PS, elle m’a accusé de corruption. «Dommage que l’homme auquel on a greffé un cœur de cochon soit mort, lui a dit son oncle Jean-Michel. Tu aurais pu voter pour lui…» J’aimerais avoir son sens de l’humour. Prune a haussé les épaules et est allée se peindre un sein en bleu et l’autre en jaune. C’est une artiste engagée…   

Nadège propose que nous sursoyions à notre rapport mensuel par solidarité avec l’Ukraine. Et elle a intégré un drapeau ukrainien à la photo de son profil Facebook. C’est sûr qu’on peut toujours compter sur elle lorsqu’il faut se mobiliser pour une noble cause. Elle a conseillé à Jean-Michel de faire envoyer la stagiaire qui porte plainte contre lui pour harcèlement sexuel en reportage à Kiev. Je la reconnais bien là: toujours prête à aider sa famille.           

Cette guerre m’angoisse de plus en plus. Je vais vider notre abri antiatomique de la collection de Nouvel Obs qui l’encombre et y stocker nos réserves – je sentais que ça allait mal tourner. Le papier de toilette, c’est OK. L’huile et le riz aussi. De l’eau, des corn flakes, du Cenovis – au moins 20 tubes –, ma pommade contre les hémorroïdes, des conserves de toutes sortes, sauf de salade russe! J’en raffole, mais moi aussi je veux être solidaire des Ukrainiens.      

«N’oublie pas de stocker un peu de poutine, tabarnak!», a plaisanté Jean-Michel en imitant l’accent québécois. Il pousse parfois le bouchon de l’humour un peu trop loin: on ne peut quand même pas rire de tout! La poutine, j’en ai vomi dans le corsage de Nadège lors du dernier Paléo…                                                                                                                      


Les épisodes précédents

La bonne résolution de Jacques-André 

Nadège est un peu déprimée par l’actualité 

Prune se cherche un genre 

La révolte bout chez Simon-Pierre 

Jacques-André se remémore les concerts de sa jeunesse 

Le slalom idéologique et affectif de Nadège 

Prune a des envies de sauce bolognaise 

Les woke n’auront pas raison de Simon-Pierre 

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