Eloge érotique de Richard Millet: le crépuscule des idoles

Publié le 3 septembre 2020

Richard Millet, auteur du très controversé «Eloge littéraire d’Andres Breivik» (2012). – © DR

Plaisanterie, bravade, transport de passion ou coup de marketing? Qu’importe. A l’heure de la rentrée littéraire la plus assommante de la décennie, un bref livre paru en mars dernier aux édition Pierre-Guillaume de Roux sous le titre aguicheur «Eloge érotique de Richard M.», est une valeur refuge aussi infaillible qu’un lingot d’or.

Bien qu’il soit estampillé «roman» sur la couverture, il témoigne — avec une fidélité incertaine car impossible à vérifier — d’une liaison sentimentale entre Richard Millet, auteur du très controversé Eloge littéraire d’Andres Breivik (2012) et de l’inconnue Mariia Rybalchenko. C’est elle qui s’empare de leur histoire. A défaut de créer un scandale, que la prima romancière scrute au point qu’on la soupçonne de le souhaiter, la jeune femme entre dans les annales littéraires comme celle qui célèbre un amour impossible et pleure sa fin programmée. Pas de revendications, d’accusations, de victimisme. Un phénomène en soi, alors que le règlement de compte avec un ancien amant célèbre indique une voie de prédilection pour entamer une carrière dans les lettres. Cependant, ce que Mariia Ryblachenko appelle «une petite confession» regorge de scènes et de propos, sinon compromettant, du moins portant discrédit au personnage que Richard Millet cherche à s’inventer. Un échantillon de choix: «Je ne partirai pas défendre des Chrétiens en Orient, parce que je ne pourrais pas me passer de ton pubis». C’est en substance l’aveu que Richard M. en amant fougueux aurait soufflé à sa maîtresse au moment le plus intense de leur relation. De quoi dérouter les lecteurs de celui qui décèle le déclin de l’Occident dans sa déchristianisation. Et il y en a bien d’autres, de révélations édifiantes, qui creusent un hiatus entre l’écrivain qui se rêve maudit et l’homme derrière. «Etre écrivain n’est pas une profession, mais un acte», déclare Mariia Ryblachenko dans la préface...

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