Publié le 12 mai 2023
Pas facile de parler d’un roman où j’apparais comme personnage secondaire, le Jacques Pilet du «NQ» porté par son engagement pro-européen. Les deux héros s’envoient de méchantes piques à ce sujet. Le mot héros n’est guère adéquat, car François et Franz n’ont rien de flamboyant. Le Romand ne se remet pas de s’être fait larguer par sa femme, l’Alémanique est brouillé avec son travail et ne pense qu’à baiser. Deux personnalités que rien ne devrait rapprocher. Une amitié se noue pourtant entre eux, rugueuse, sans cesse brusquée, qui dure pourtant à travers les heurts.

Patrick Claudet, journaliste aujourd’hui spécialisé dans le tourisme qui a touché aussi au cinéma, fort sérieux dans son allure et sa vie familiale, lâche toutes les brides dans ce livre. Avec le mérite de traiter par la bande deux thèmes très peu abordés. Les différences de mentalités, de tonalités, de comportements entre Suisses francophones et germanophones (ou dialectophones?). Quasiment un tabou. Et par ailleurs les étonnantes formes que peut prendre l’amitié entre hommes. Vaste terrain qui a nourri la littérature, de Cicéron à Montaigne, d’Alexandre Dumas à Max Jacob et tant d’autres. Comme tombé en désuétude depuis que la question du genre l’envahit.
Jeunes encore, François et Franz se côtoient plus qu’ils ne se rencontrent à Londres où ils travaillent à l’aéroport. Dans leur pension ils ne font que se quereller. Le premier ne supporte pas les «Bourbines», selon lui raides, obtus, qui n’ont rien compris à l’Europe. Le second trouve les «Welsches» légers, superficiels, bref pas sérieux. Lorsqu’une vingtaine d’années plus tard, ces deux spécimens helvétiques se retrouvent par hasard, tantôt à Genève, tantôt à Zurich, la cassure autour du vote sur l’EEE s’est éloignée mais leurs regards croisés sur les deux versants, même atténués, n’ont pas vraiment changé.
Ils tentent, sans conviction, de dépasser les clichés ou d’en parler le moins possible, mais ceux-ci rôdent encore et lâchent quelques saillies. Sans doute parce que les stéréotypes caricaturaux ont quelques bribes de réalité. François doit bien constater que son compagnon parle mieux le français que lui l’allemand, qu’il a au moins autant fréquenté la littérature. Quel obstacle y aurait-il donc à une amitié au-delà des différences de culture et de mentalité? Il s’interroge: qu’est-ce donc qui rapproche les Suis...

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