Histoire de finir en beauté

Publié le 6 octobre 2023
Dernier film de Woody Allen ou pas, «Coup de chance», tourné en France et en français, est un drame en forme de variation sur certains de ses meilleurs films. Une bonne surprise qu'on n'attendait plus forcément.

Dernièrement, on s'inquiétait ici-même d'un certain ronron de grands cinéastes plus trop enclins à se renouveler. Fallait-il y inclure Woody Allen? Vu sa phénoménale productivité, aucun autre n'aura connu autant de passages à vide aussitôt suivis d'un redressement spectaculaire. Sur une mauvaise pente avec ses ennuis para-#MeToo qui ont enrayé le métronome en 2018 et fait de lui un paria aux Etats-Unis, il n'avait plus présenté – et en Europe seulement – qu'un charmant mais anecdotique A Rainy Day in New York et un plus embarrassant Rifkin's Festival. Deux comédies qui sentaient le réchauffé, annonçant une retraite bien méritée. Or le voici qui ressurgit à 87 ans pour un dernier – c'est lui-même qui l'a dit – tour de piste: Coup de chance, un film tourné en France comme déjà l'excellent Midnight in Paris (2011). Bis de trop ou feu d'artifice final? Entre les deux, on y verra plutôt un joli pied de nez à tous ceux qui l'avaient enterré trop tôt.
De fait, Coup de chance se présente comme une variation mineure sur deux de ses plus belles réussites, Crimes et délits (Crimes and Midemeanors, 1989) et Match Point (2005). Entre la découverte de la tragédie qui côtoie la comédie humaine et la démonstration du hasard qui gouverne nos existences, que restait-il à dire – à moins d'un retour au religieux aussi improbable que tardif? Pas grand-chose peut-être, mais en français. Ce n'est pas la révélation du siècle et pourtant le renouvellement, voire le côté expérimental du film, tient à ceci: un scénario de Woody Allen traduit et interprété par des comédiens français, qu'est-ce que ça donne? Réponse: un film mieux que viable, joliment décalé et enlevé, où la légèreté et la noirceur se côtoient dans un semblant d'amoralité pour finir drôlement moral.
Pour l'amour de l'art ou de l'ar...

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