Il y a du génie helvétique dans la pensée de Claude Frochaux

Publié le 18 septembre 2020
Point d’orgue final de la prestigieuse revue «Le Débat», sacrifiée sans gloire par les éditions Gallimard, le texte lumineux de l’écrivain romand, intitulé «L’Ordre humain», s’inscrit dans la mouvance actuelle des grands questionnements. Déclin des uns, relance possible des autres – l’Avenir le dira…

L’étrange, inquiétante  et non moins fascinante époque que nous vivons, plus troublante encore depuis le début de l’année 2020, semble marquée, plus que par la peur dont on nous rebat les oreilles, par l’incertitude. 
«N’as-tu pas l’impression que nous sommes tous un peu perdus?», me demandait l’autre jour Claude Frochaux au cours d’un téléphone de deux heures lié à ma lecture du tiré à part de son essai paru dans la dernière livraison du Débat  dont Marcel Gauchet venait d’annoncer la triste et significative liquidation, et je me surpris à lui répondre que non: que je ne me sentais pas plus perdu qu’à nos vingt ans de flottements idéologiques divers, quand le libraire anarchiste bien connu du quartier bohème des escaliers du Marché, à Lausanne, qui deviendrait ensuite le bras droit de l’éditeur Vladimir Dimitrijevic, à l’enseigne de L’Age d’Homme, faisait déjà figure d’écrivain sans attaches politiques précises mais très attentif à la mouvance contestataire de l’époque – laquelle époque, disons entre 1968 et 1975,  est d’ailleurs au centre de ce qu’il qualifie aujourd’hui de véritable basculement de civilisation.
N’étions-nous pas alors, déjà, «un peu perdus», malgré la crâne affirmation de nos certitudes? Ce qui est sûr, c’est que nous étions beaucoup à nous figurer qu’un nouveau monde commençait avec notre génération, sans nous douter évidemment du fait que, de manière beaucoup plus générale nous inaugurions ce que Claude Frochaux qualifie d’«ordre humain» dans cet essai d’une vingtaine de pages constituant le résumé d’une espèce de synthèse anthropologique amorcée en 1996 par l’essai intitulé L’Homme seul – cet «ordre humain»  marquant l’apparente victoire de l’homme sur la nature, désormais affranchi de toute transcendance et seul à décider, peut-être pour le pire,...

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