En attendant que les robots deviennent plus «humains» que nous autres…

Publié le 21 février 2020

© Matthias Rihs / BPLT 2020

Un androïde fort attachant, dans le (superbe) dernier roman de Ian McEwan, «Une machine comme moi», nous confronte aux limites de notre «nature» au fil d’une uchronie passionnante. Sous le contrôle attentif d’un Alan Turing (1904-1956) toujours en vie, les avancées fascinantes de la technologie, au début des années 1980, butent sur le «trop humain» de notre espèce…

Un bon roman, ou disons carrément un grand roman pour insister sur la rareté actuelle de la chose, se caractérise (notamment) par le fait que tous ses personnages ont raison, ou plus exactement qu’ils ont tous leurs raisons dont le lecteur doit tenir compte avec équité, comme il en va à la lecture des grands romans de Dickens ou de Dostoïevski, de Jane Austen ou d’un Henry James auquel on doit précisément cette idée.

Or un bon roman récent, qui a pas mal d’attributs d’un grand roman, rareté actuelle frappante, réalise cette performance très particulière de donner raison à une machine humaine avec une intelligence et une sensibilité affective qui n’a rien d’artificiel ou de bêtement sentimental. Plus encore, l’androïde Adam, l’un des personnages principaux du dernier roman de Ian McEwan, a tellement raison qu’on s’y attache autant sinon plus qu’à un humain «trop humain» au point de ressentir sa destruction (à coups de marteau, par celui qui l’a acheté) comme un meurtre affreux blessant notre petit cœur de lectrice ou de lecteur… 

Du bon usage de la conjecture romanesque

Les uchronies (récits d’événements fictifs à partir d’un point de départ historique) prolifèrent de nos jours, autant que les dystopies (récits de fiction qui évoquent un monde utopique à coloration catastrophiste), à proportion des inquiétudes, fondées ou plus vagues, et des angoisses plus ou moins lancinantes qui taraudent notre espèce confrontée aux crises de toutes sortes, telles la hantise climatique et autres catastrophes humanitaires à motifs variés.

L’impression que...

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