Victoria Nuland: le crime contre la paix était (presque) parfait

Publié le 13 septembre 2024
Récemment, un journaliste suisse se vantait de ne pas connaître Victoria Nuland, ancienne secrétaire d’Etat adjointe et ex-numéro 2 du Département d’Etat américain en charge de l’Europe et de l’Eurasie, qui a quitté ses fonctions au printemps dernier. Il avait raison car connaître et reconnaître Victoria Nuland eût été admettre que celle-ci avait été la cheville ouvrière du coup d’Etat qui a renversé le président ukrainien légitime Viktor Yanoukovitch en février 2014 et qu’elle était l’autrice de la fameuse phrase «Fuck the EU!» quand on lui avait objecté que les Européens, qui venaient de signer un accord avec Yanoukovitch, auraient pu désapprouver cette manière de faire.

Or donc Mme Nuland, qui est, aux côtés de son mari Robert Kagan, l’égérie des néoconservateurs antirusses et antichinois depuis trente ans, vient de faire des révélations intéressantes dans la longue interview qu’elle a accordée la semaine dernière au journaliste d’opposition russe en exil Mikhail Zygar, rédacteur en chef de la chaine anti-Poutine Dozhd.
A la fin de l’entretien, sur un ton presque badin, comme s’il s’agissait d’une affaire anecdotique, elle aborde la question des pourparlers qui ont eu lieu à Istanbul entre la Russie et l’Ukraine après le début de l’intervention militaire russe, en mars et avril 2022. Fidèle à son habitude, elle cherche d’abord à discréditer la Russie en disant que cette dernière a voulu manipuler l’opinion en prétendant qu'un accord avait été trouvé alors que ce n’était pas le cas.
Puis elle avoue qu’après quelques semaines, les Ukrainiens ont cherché conseil auprès de leurs alliés qui auraient alors découvert que le vrai but de Poutine aurait été dissimulé dans une disposition annexe de l’accord qui visait à neutraliser l’Ukraine sur le plan militaire en réduisant les effectifs et les équipements de son armée. Des voix se seraient alors élevées, aussi bien à Kiev que chez ses alliés, pour dire que cet accord n’était pas bon et qu’il fallait donc y renoncer.
Cette manière de présenter les choses est intéressante parce qu’elle montre qu’en 2022 les Occidentaux se fichaient éperdument de la perte des territoires, des destructions économiques et des dizaines de milliers de morts ukrainiens (et russes bien sûr), mais que seule les intéressait la capacité de l’Ukraine à se battre contre les Russes. Cela confirme ce que les observateurs impartiaux de ce conflit savent depuis longtemps, à savoir que la seule chose qui importait aux Américains...

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