Les dérives du cinéma français

Publié le 13 septembre 2024
En prônant un cinéma d’auteur, François Truffaut visait à défendre le metteur en scène face à des puissances rivales – les scénaristes, les acteurs et les producteurs, nous explique Geneviève Sellier dans «Le culte de l’auteur. Les dérives du cinéma français» qui vient de paraître aux éditions La Fabrique. Une défense absolue qui ouvre la voie aux scandales émaillant aujourd'hui la chronique du cinéma français.

Entre 1958 et 1962, cent cinquante nouveaux cinéastes réalisent leur premier film. Une fois le combat du metteur en scène mené et remporté, c’est un culte du réalisateur-démiurge qui s’impose, une sacralisation de l’art au mépris de l’éthique et du droit, et un cinéma et une cinéphilie au masculin singulier, exaltant les tourments intérieurs de leurs héros, tourments maintes et maintes fois invoqués pour cautionner, justifier ou excuser les pires maltraitances à l’égard de très jeunes actrices.
Les journaux nous en parlent tous les jours
Le reportage sur Gérard Depardieu en Corée a eu un écho énorme.
A-t-on le droit d’organiser un viol pour les besoins d’une scène dans un film? La cinéaste Catherine Breillat aurait fabriqué une scène de sexe oral non simulée sans prévenir son actrice qu’un inconnu allait introduire sa langue dans son sexe, puis tenter de la sodomiser, lors du tournage de Romance. C’est l’accusation que porte aujourd’hui la comédienne Caroline Ducey dans un récit intitulé la Prédation.
Julie Delpy, sexuellement harcelée par certains réalisateurs français, raconte qu’à l’époque où elle a débuté, une jeune fille de 12 ans en couple avec un metteur en scène de 50 ans était une chose normale. Adèle Haenel débute à 12 ans dans Les Diables de Christophe Ruggia. Geneviève Sellier cite une douzaine de comédiennes dans le même cas, telle qu’Ariel Besse ou Judith Godrèche.
Et dans le turnover de jeunes actrices que l’on jette après usage, un cas, entre tous, est emblématique, celui de Maria Schneider dans Le Dernier Tango à Paris en 1972.
Séduire, modeler de très jeunes actrices et en abuser, être un Pygmalion, le schéma perdure donc depuis plus de 60 ans, avec des cinéastes nés dans les années 40, tels Jacques Doillon, Benoît Jacquot ou Philippe Garrel; dans les ...

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