La tentation impérialiste chinoise

Publié le 4 novembre 2022
Pour une fois unanimes, les sinologues portent un jugement impitoyable sur Xi Jinping qui s’est solidement installé cet automne 2022 en un «Mao» d’une «super-Chine». Même si personne en Europe ou aux Etats-Unis ne souhaite voir la Chine se fragiliser, voire se fracturer, comme ce fut si souvent le cas dans sa longue histoire, les raisons des inquiétudes occidentales sont multiples. Résumons.

L’immense pays est bouclé depuis trois ans. 
Le parti communiste chinois (PCC) regroupe certes la plupart des élites du pays. Mais plus une tête ne doit dépasser en dehors de celle du Leader Xi Jinping.
Cinquante-six ethnies sont passées à la moulinette d’un aplatissement culturel et religieux1, alors que deux d’entre elles seulement (les Hui et les Mandchou, 19 millions de personnes) ont le Chinois comme langue vernaculaire.
Les entreprises privées, qui représentent 60% du PIB chinois et 90% des exportations, sont fragilisées par le credo inflexible du pouvoir: la loi du marché passe après celle du pouvoir. Le management des cinq cent entreprises publiques, gigantesques et opaques, a été décapité, au profit d’idéologues inexpérimentés.
D’un point de vue communiste et chinois cependant, le constat est tout autre. Car la dynastie est aujourd’hui forcée de se réinventer pour survivre. Après l’unité centralisatrice du territoire incarnée par le maoïsme (1949-1976) et ses folies meurtrières2, la mutation de Deng Xiaoping et de ses émules (1977-2012) fut celle du tonitruant «Enrichissez-vous!», période durant laquelle le peuple chinois, courageux et opiniâtre, propulsa le pays au second rang mondial des puissances économiques. 
L’océan paysan chinois, horizontal, calfeutré derrière de Grandes murailles, est ainsi devenu en quarante ans une jungle hérissée de millions de tours vertigineuses et colorées, un espace sillonné d’autoroutes à huit voies et de trains-fusées, dans lequel on ne paye plus son addition au restaurant qu’avec un téléphone portable.
C’est de cette Chine dont s’empare Xi Jinping en 2012, jusqu’à bétonner son pouvoir en ce mois d’octobre 2022. 
Comme Poutine, il voit sa dynastie menacée par toutes sortes de révolutions multicolores, et l’effondrement des aut...

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