La souffrance poétisée

Publié le 2 avril 2021
«Le deuxième pas», Damien Murith, Labor & Fides, 80 pages

Damien Murith livre un témoignage intime d’une expérience universelle: la souffrance physique. Chronique en l’occurrence, elle le prend en otage, l’arrache à sa famille, à son métier, à ses passions pour se l’accaparer. Il reprend le dessus en la poétisant, la raconte à la première personne du pluriel pour associer à sa voix celle de ses frères et sœurs de douleur dans un condensé de métaphores d’une admirable puissance évocatrice. Cet auteur fribourgeois déjà très primé dépeint, en une mosaïque de soixante-cinq micro-chapitres qui claquent comme autant de vérités dans la figure des bien-portants, l’épreuve qu’il endure au quotidien dans son «marathon sans médaille», avec ses ramifications que sont le renoncement, le sentiment d’injustice, l’isolement, l’attente, la rémission et la peur. La «violence de l’inertie» quand chaque mouvement est une torture. Il se compare à «ce naufragé qui a traversé l’océan à la seule force de ses bras et que personne n’applaudit». Et de temps en temps jaillit dans ce récit une touche d’espoir, là où on l’attend le moins, car «les murs se traversent par inadvertance».

 

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