Quentin Mouron ressaisit le bruit du temps que nous vivons

Publié le 8 août 2025
Avec «La Fin de la tristesse», son onzième opus, le romancier-poète-essayiste en impose par sa formidable absorption des thèmes qui font mal en notre drôle d’époque (amours en vrille, violence sociale et domestique, confrontation des genres exacerbée, racisme latent et dérives fascisantes, méli-mélo des idéologies déconnectées, confusion mondialisée, etc.) et leur incarnation par le truchement de personnages traités en nuances. Les beaux mensonges du romantisme sont à la fête, et la vérité romanesque au rendez-vous de la lucidité, dans la foulée de René Girard et Milan Kundera.

Comment parler du chaos du monde? Ou plus précisément: comment le faire parler? Comment dépasser les «discours sur»? Comment couper court au magma des opinions jetées à la diable entre médias et réseaux? Comment rompre avec l’opposition binaire du politiquement correct et de son contraire? Comment dire le désarroi du nouvel «hospice» occidental? Comment dépasser le langage tribal des générations? Comment réaffirmer le sérieux de la Littérature définie par John Cowper Powys comme le «journal de bord de l’humanité?»
A ces questions sérieuses, et même «grave sérieuses», pour parler comme aujourd’hui, le nouveau roman de Quentin Mouron répond sérieusement mais comme à la volée, on pourrait dire à larges brasses coulées quant au style, où narration verbale et «natation» émotionnelle vont de pair dans une sorte de tresse et de transe dialoguée aussi originales que maîtrisées, les voix des divers personnages restant bien individualisées dans le flux et le fluide choral, jusqu’à ce que l’Auteur en personne la ramène en fin de parcours, lyrique déconstructeur du lyrisme…
Flammes, cendres, fugues et rebonds
Un incendie «par amour» marque le début de La Fin de la tristesse, où l’on voit une femme revenir au lieu d’un amour fou qu’elle a vécu cinq ans plus tôt – un appartement de vacances avec vue sur la mer - et lui bouter le feu pour combler la béance insupportable qu’a laissé en elle cette passion «assassinée» par la disparition de son amant, mais l’exorcisme n’ira pas sans effets collatéraux puisque le feu détruit à la fois le lieu maudit et l’appartement d’en dessus occupé par de paisibles estivants, lesquels deviennent les protagonistes d’un deuxième fil narratif alternant avec les tribulations de la romantique incendiaire au prénom d’Anastasie.
Voici donc Clémence et Gilles,...

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