Pourquoi notre orthographe est si terriblement compliquée

Publié le 29 novembre 2024
Il y a quelques années, j'ai découvert que la dictée n'était pas un exercice scolaire universel. En Serbie, dès qu'un enfant sait écrire, il sait écrire sa langue. Cela semble une évidence. Pour les francophones, la dictée est une autre forme d'évidence. C'est le pire souvenir des écoliers.

Il nous semble tout à fait normal de passer entre six et neuf heures par semaines pendant douze ans à apprendre à écrire, ou d'essayer d'apprendre, le plus souvent sans grand succès. En 2009, lors d'une dictée imposée à 1'348 enfants français de seconde, deux tiers d'entre eux ont obtenu un zéro. 14% seulement ont eu la moyenne. Dit autrement, les francophones dans leur majorité ne maîtrisent pas leur langue à l'écrit. Pourtant la dictée est un véritable sport national: on en a organisé une en 2018 au stade de France.
Les enfants de 2024 savent parfaitement parler mais font, en moyenne, deux fois plus de fautes que ceux de 1985. On se demande toujours comment améliorer la situation, trop rarement comment on est arrivé à ce lamentable état des choses. Pourtant un constat avait été fait en 1783 déjà, sous la plume de Rivarol dans son Discours sur l'universalité de la langue française: «On se fit une langue écrite et une langue parlée, et ce divorce de l'orthographe et de la prononciation dure encore». Il existe donc un divorce au cœur même de notre langue. On en apprend deux: une langue parlée et une langue une écrite, tout à fait distinctes l'une de l'autre. Ce qui explique pourquoi la dictée est un enfer, mais pas comment elle l'est devenue.
Comment est-il possible que nous soyons incapables de maîtriser notre propre langue à l'écrit? Pour commencer, il faut remonter un peu le cours du temps. Langue latine, le français a évolué du bas-latin et s'est ensuite mâtiné de langues germaniques pour parvenir à ce langage qu'on parlait dans le bassin parisien à la fin du Moyen-Age. On le parlait, on ne l'écrivait presque pas. Pour l'écriture on se servait d'un latin bâtardisé et déjà criblé de mots français. Le français n'était rien d'autre que le patois parisien, c'était par co...

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