Le sabordage de la neutralité sape la Genève internationale. Mais Genève se tait

Publié le 19 juillet 2024
En décidant de s'aligner sur les sanctions unilatérales américano-européennes contre la Russie en février 2022, alors qu'il avait toujours prétendu ne vouloir appliquer que des sanctions entérinées par les Nations Unies et ancrées dans le droit international, le Conseil fédéral a porté un rude coup à la neutralité et à la Genève internationale. Mais à Genève, personne n'a bronché. Voici pourquoi.

En principe, cette fâcheuse décision, qui a beaucoup inquiété le CICR dont la réputation d'impartialité et d'indépendance repose largement sur la neutralité suisse, aurait dû provoquer un tonnerre de protestations. Au-delà du CICR et des Conventions de Genève dont la Suisse est dépositaire, et des préoccupations humanitaires et des droits de l'Homme dont notre pays prétend se faire le champion, elle aurait également dû préoccuper toutes celles et tous ceux qui tiennent en haute estime notre vocation d'Etat hôte des organisations internationales et de capitale du multilatéralisme. Il n'en a rien été.
Au contraire, on a vu des élus locaux et fédéraux, notamment à gauche, réclamer encore plus de sanctions, de condamnations, de boycotts, de confiscations de fortunes privées contre ceux qui avaient si «sauvagement agressé l'Ukraine». Et pourtant ces mêmes élus n'avaient rien trouvé à redire quand cette même Ukraine avait massacré 14'000 personnes, dont des milliers de civils et d'enfants innocents, dans le Donbass entre 2014 et 2022. Et ils ne bronchent pas ni n'exigent de sanctions quand un autre Etat, Israël en l'occurrence, immole des dizaines de milliers de civils innocents en Palestine et occupe des territoires étrangers en toute illégalité.
Début juin, des activistes d'ONG et des syndicalistes de l'Organisation internationale du Travail se sont insurgés contre l'élection à leur conseil d'un de leurs collègues russes. Mais, quand le Wall Street Journal, dans son édition du 29 juin dernier, a dénoncé les pratiques toxiques et le racisme de certains cadres du World Economic Forum, ces militants si attentifs aux bonnes causes sont restés silencieux. Ils n'ont pas davantage protesté quand, comble de la provocation pour une cité qui se flatte d'être une ville de paix et d'ab...

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