Réveil fictif: la fin des mesures, pas de la loi covid

Publié le 25 février 2022
Il y a une semaine, jeudi 17 février, les mesures sanitaires ont pour la plupart été levées en Suisse. Les médias traditionnels se sont félicités collectivement de cette turbo-ouverture et le monde politique s’est auto-congratulé pour son excellente gestion de la pandémie. Pourtant, samedi dernier à Örlikon, plus de 2’500 manifestants entendaient toujours maintenir la pression de la rue et réclamer des comptes au gouvernement.

La Suisse respire mieux. Au sens propre du terme. Les masques sont tombés dans la plupart des lieux publics, tout comme le certificat. Au lendemain de cette annonce, l’écho dans les médias était identique partout: le temps du bilan est arrivé. Où est-ce que les autorités ont été mauvaises lors de la pandémie de coronavirus? Les médias ont relevé trois points: le désastre des masques au début de la pandémie, le manque de doses de vaccin et la gestion en mosaïque où le Conseil fédéral a renoncé en grande partie à des mesures uniformes, multipliant les situations particulières, comme les stations de ski ouvertes dans un canton, mais pas dans un autre.

Le vendredi qui suivait cette ouverture, rendez-vous était pris à Arena, sur la SRF, avec le conseiller fédéral Berset et tous les dirigeants de partis. Une heure et vingt minutes de tapes sur l’épaule et des éloges réciproques… Aucune question dérangeante n’a été posée par le journaliste, ni par un politicien. Le credo? «Dans la plus grave crise que nous ayons connue depuis 100 ans, nous avons su faire face et gérer cette pandémie sans grands dégâts».

Même son de cloche de la part de Swissuniversité. Mais tout de même un poil plus critique. Ils soulignent que le recours au travail à distance devait être une des dernières mesures à adopter pour endiguer une pandémie. Les dégâts psychologiques ont été trop importants.

Idem dans la presse dominicale: le temps de l’analyse est venu. Berset occupait le terrain avec ses interviews. Seule la NZZ remettait en question la nécessité de la TaskForce et s’interrogeait: pourquoi la Commission fédérale pour la préparation et la gestion en cas de pandémie (CFP) a-t-elle été écartée dès le début de la crise? En bref, tous les médias rebondissaient sur les trois manquements dans cette crise: les masques, les vaccins, le fédéralisme. Une des seules réflexions qui émergeait: ne faudrait-il pas créer une cellule de crise en prévision des éventuelles futures pandémies?

Samedi dernier plus de 2’500 manifestants étaient présents à Örlikon, dans la banlieue zurichoise. Tous les collectifs contestataires avaient appelé à se rendre à ce rendez-vous, autorisé par les autorités: Les Amis de la Constitution, Mass Voll, Helvetia Trychler, le collectif des parents, Choix vaccinal, le collectif des policiers, Aletheia, la gauche libre, le collectif des PME, le collectif du personnel de santé. Ces mouvements ne demandent pas seulement le retrait immédiat des lois d’urgence covid, en vigueur jusqu’en 2031, et l’abolition définitif du certificat, dont l’entretien est prévu jusque fin 2023, mais surtout une enquête approfondie sur certaines décisions prises durant la pandémie. Ils font appel à la création d’une commission d’enquête extra-parlementaire (CEP). Importante revendication: dans cette CEP devront être incluses des personnes issues des mouvements contestataires. C’est selon ceux-ci la seule façon de surmonter les divisions de la société.

Dans ce temps appelé par beaucoup «l’après pandémie» et qui est au fond seulement une suspension des mesures sanitaires, cette interview de deux journalistes romandes d’investigation dans le domaine médical, Catherine Riva et Serena Tinari, réalisée par nos confrères d’Antithèse, aide à comprendre l’étendue des incohérences dans la gestion pandémique en Suisse. Les deux femmes parlent un langage précis et sans polémique, et abordent les points qui devraient être discutés dans une CEP.

Notons que certains gouvernements cantonaux continuent à appliquer les mesures sanitaires: dura lex sed lex. Dans le canton de Saint-Gall par exemple, le lendemain de la levée des restrictions, la maison du Dr. Manuel à Wilen bei Wollerau a été perquisitionnée. Son crime? Il délivrait des attestations illégales et distribuait des médicaments que Swissmedic n’autorise pas.

En Valais, Adrien de Riedmatten est en grève de la faim depuis bientôt un mois. Lui et 34 familles sont menacés d’une sanction allant jusqu’à 1’000 francs. Ces familles ont soustrait leurs enfants du milieu scolaire au moment où le port du masque est devenu obligatoire. Elles suivaient en cela une directive du Département d’enseignement qui stipulait que les enfants ne pouvant pas mettre de masque pouvaient rester à la maison. M. Darballey, le chef du Département de l’éduction, maintient fermement son opinion sur cette affaire: l’école étant obligatoire, les familles vont être amendées.

Ce ne sont ici que deux exemples parmi des milliers d’autres cas, qui sont aujourd’hui portés devant la justice et qui attendent la suite. C’est pourquoi il faut commencer dès aujourd’hui à clarifier au plus vite les questions ouvertes liées à la gestion de la pandémie, non seulement pour faciliter le travail des tribunaux, mais aussi pour éviter de nombreuses souffrances à la population. En attendant que les contrats avec Pfizer et Moderna soient publiés cet été, les collectifs d’opposition à la loi covid de toute la Suisse suivent avec grande attention l’évolution de la situation. Nous ferions bien de ne pas perdre de vue non plus la loi d’urgence covid.

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