Quand la chronique de cinéma devient partage de passion

Publié le 3 janvier 2020

© Matthias Rihs / BPLT 2019

Passionnant aperçu du meilleur et du pire de la production mondiale au tournant des années 1960, le recueil des Chroniques cinématographiques de Bernard de Fallois (1926-2018) qui fut éditeur, essayiste de haute volée et critique de cinéma sous le pseudonyme de René Cortade, nous fait «voir», «revoir» ou découvrir plus de 140 films avec un brio érudit pur de tout pédantisme, une intelligence éclatante et une qualité de cœur que module une langue merveilleuse de vivacité et d’élégance.

L’exercice de la critique – qui fut parfois un grand art sous les plumes de Baudelaire et de Sainte-Beuve, de Proust ou de Jean Starobinski, de Walter Benjamin ou de Mary McCarthy – se fait aujourd’hui rarissime et particulièrement dans le domaine de la chronique cinématographique, où l’érudit monomaniaque, le spécialiste jargonnant ou le porte-voix complaisant des modes et de la publicité, se répartissent les «parts de marché» médiatiques, alors même que tout un chacun s’improvise commentateur de tout et n’importe quoi via les réseaux sociaux.

Ce qui est sûr, à ma connaissance en tout cas, c’est qu’un recueil de critiques tel que les Chroniques cinématographiques de Bernard de Fallois, alias René Cortade sous son pseudo momentané, est sans pareil aujourd’hui, qui se lit cependant comme si ses coups de cœur et ses coups de gueule dataient de ce matin. 

C’est que l’art des plus grands créateurs à la Chaplin, Hitchcock, Fellini, Becker, Bergman, De Sica, Tati, Dreyer, Ford, Welles et autres «élus» ne vieillit pas alors que tant de «films cultes» d’une saison ne résistent pas à l’épreuve du temps, lequel balaie aussi le tout-venant de la critique souvent conformiste – ou brillant d’anticonformisme de façade en ces années de la Nouvelle Vague où Bernard de Fallois exerça son talent de franc-tireur passé de l’enseignement de la littérature à la critique littéraire et cinématographique (notamment dans les hebdos Arts et Le Nouveau Candide, de 1959 à 1962) avec une puissance de synthèse et une verve exceptionnelles.

De Charlot à...

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