Pour 75 francs d’achat, des bons d’achat de 75 francs

Publié le 6 février 2020
La Migros proposait le 1er février, à l'occasion de son 75ème anniversaire, une offre «exceptionnelle», qui a attiré l’attention d’un lecteur vigilant.

En ce premier samedi de février, la Migros (le plus grand distributeur alimentaire en Suisse) a dépassé en termes d’agressivité commerciale et de publicités trompeuses, tout ce que le grand public a expérimenté jusqu’ici dans notre pays. La coopérative passe pour honnête, au point que les Tessinois l’appellent «Maman Migros». Voyons. 

J’ai observé à la succursale de Carouge aujourd’hui un caddie plein au-delà du rebord, et des sourires de félicité sur le visage de la gracieuse dame qui le poussait, tellement l’offre était incroyable. Pour 75 francs d’achat, des bons d’achats de 75 francs offerts!

Elle avait certainement acheté ce jour-là au-delà du nécessaire, voire du raisonnable, en comptant peut-être que pour 3 fois 75 francs d’achats cette dame obtiendrait 3 fois 75 francs de bons d’achats, A vrai dire je crains qu’elle eût acheté pour 4 fois 75. Mais l’offre ne fonctionne pas ainsi. Quelle a dû être sa déception quand la cliente a réalisé l’énormité de l’arnaque. Et il était trop tard pour que je l’en avertisse, elle se dirigeait déjà vers la borne de paiement. Je l’ai suivie du regard quand elle a récupéré au comptoir du «service client» des minables et minuscules bons d’achats, sans saveurs. Elle était rouge de colère.

En réalité, pour un minimum d’achats de 75 francs, et peu importe le montant total, on obtient 5 bons d’achats de 15 francs chacun, utilisable individuellement au courant du mois de février, à condition que le total à payer à chaque visite soit égal ou supérieur à 100 francs. Autrement dit 15% de rabais si l’addition est de 100 francs par exemple. La perversité de celui qui a conçu cette offre n’est en revanche pas quantifiable.

Cela fait quelques temps déjà que la Migros semble avoir changé son modèle commercial, et frôle toujours davantage les limites de la légalité.

En voici quelques exemples

Sur des stands habituellement dédiés aux produits «en action», on place des produits similaires, qui ne le sont pas. Le fameux café soluble suisse de la grande marque dans le bocal en verre, est naturellement plus cher que le même café dans l’emballage plastifié qui le juxtapose sur l’étalage, mais l’écart réel de prix n’est pas si grand puisque le bocal en contient 200 grammes et le sachet plastique, 180 grammes. 

Il y a aussi les réductions de 20, 30 ou 40% affichées en grand, mais en très petit, nous apprenons que ladite réduction est valable à partir de deux unités du même produit… 

Je ne voulais pas finir ma démonstration sur du poisson mais je ne résiste plus: j’aperçois ici deux paquets de saumon fumé sauvage, dans des emballages identiques, mais l’un coûte 6,95 francs et l’autre 10,95. Le chef de rayon m’a expliqué en riant qu’il y aurait un saumon plus sauvage que l’autre!

J’ai demandé des explications sur l’«offre» des bons de réduction de 75 francs au «service client» avant d’entrer dans le magasin. Celui qui tenait le comptoir à ce moment-là m’a indiqué l’usage des bons d’achats et a esquivé le reste. Quand je l’ai interrogé sur les autres conditions de l’offre, il m’a dit que c’était à moi de voir. J’avais senti déjà «le coup» et je n’avais pas besoin de ces explications. «En politique, l’honnêteté est encore souvent le meilleur calcul», écrivait Paul Brulat en 1898 dans Le reporteur.  

Mon hypothèse: il était de chez nous, ce monsieur, car un frontalier, normalement, ne fait pas ça. Les Français, chez eux, font des appels de phares pour alerter les conducteurs d’en face sur la présence des gendarmes. A moins que l’attitude de ce bon collaborateur ne lui soit imposée par la stratégie machiavélique de son employeur.

A la réflexion, je me dis qu’il faut emmener les enfants au supermarché plus souvent, et spécialement à la Migros, pour leur apprendre la méfiance face à la publicité. Aujourd’hui l’extraordinaire fondateur de la coopérative, Gottlieb Duttweiller a dû se retourner dans sa tombe.

Maman Migros ne doit pas faire ça!

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

SantéAccès libre

PFAS: la Confédération coupe dans la recherche au moment le plus critique

Malgré des premiers résultats alarmants sur l’exposition de la population aux substances chimiques éternelles, le Conseil fédéral a interrompu en secret les travaux préparatoires d’une étude nationale sur la santé. Une décision dictée par les économies budgétaires — au risque de laisser la Suisse dans l’angle mort scientifique.

Pascal Sigg
Politique

La neutralité fantôme de la Suisse

En 1996, la Suisse signait avec l’OTAN le Partenariat pour la paix, en infraction à sa Constitution: ni le Parlement ni le peuple ne furent consultés! Ce document, mensongèrement présenté comme une simple «offre politique», impose à notre pays des obligations militaires et diplomatiques le contraignant à aligner sa politique (...)

Arnaud Dotézac
Politique

Honte aux haineux

Sept enfants de Gaza grièvement blessés sont soignés en Suisse. Mais leur arrivée a déclenché une tempête politique: plusieurs cantons alémaniques ont refusé de les accueillir, cédant à la peur et à des préjugés indignes d’un pays qui se veut humanitaire.

Jacques Pilet
Economie

Le secret bancaire, un mythe helvétique

Le secret bancaire a longtemps été l’un des piliers de l’économie suisse, au point de devenir partie intégrante de l’identité du pays. Histoire de cette institution helvétique, qui vaut son pesant d’or.

Martin Bernard
Sciences & Technologies

Des risques structurels liés à l’e-ID incompatibles avec des promesses de sécurité

La Confédération propose des conditions d’utilisation de l’application Swiyu liée à l’e-ID qui semblent éloignées des promesses d’«exigences les plus élevées en matière de sécurité, de protection des données et de fiabilité» avancées par l’Administration fédérale.

Solange Ghernaouti
Politique

Les poisons qui minent la démocratie

L’actuel chaos politique français donne un triste aperçu des maux qui menacent la démocratie: querelles partisanes, déconnexion avec les citoyens, manque de réflexion et de courage, stratégies de diversion, tensions… Il est prévisible que le trouble débouchera, tôt ou tard, sous une forme ou une autre, vers des pouvoirs autoritaires.

Jacques Pilet
Sciences & Technologies

Identité numérique: souveraineté promise, réalité compromise?

Le 28 septembre 2025, la Suisse a donné – de justesse – son feu vert à la nouvelle identité numérique étatique baptisée «swiyu». Présentée par le Conseil fédéral comme garantissant la souveraineté des données, cette e-ID suscite pourtant de vives inquiétudes et laisse planner la crainte de copinages et pots (...)

Lena Rey
Santé

Le parlement suisse refuse de faire baisser les coûts de la santé

Chaque année, à l’annonce de l’augmentation des primes d’assurance maladie, on nous sert comme argument l’inévitable explosion des coûts de la santé. Or ce n’est pas la santé qui coûte cher, mais la maladie! Pourtant, depuis des années, une large majorité de parlementaires rejette systématiquement toute initiative en lien avec (...)

Corinne Bloch
Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin
Culture

Une claque aux Romands… et au journalisme international

Au moment où le Conseil fédéral tente de dissuader les cantons alémaniques d’abandonner l’apprentissage du français au primaire, ces Sages ignorants lancent un signal contraire. Il est prévu, dès 2027, de couper la modeste contribution fédérale de 4 millions à la chaîne internationale TV5Monde qui diffuse des programmes francophones, suisses (...)

Jacques Pilet
Politique

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet
Economie

Quand les PTT ont privatisé leurs services les plus rentables

En 1998, la Confédération séparait en deux les activités des Postes, téléphones et télégraphes. La télécommunication, qui s’annonçait lucrative, était transférée à une société anonyme, Swisscom SA, tandis que le courrier physique, peu à peu délaissé, restait aux mains de l’Etat via La Poste. Il est utile de le savoir (...)

Patrick Morier-Genoud
Politique

L’identité numérique, miracle ou mirage?

Le 28 septembre, les Suisses se prononceront à nouveau sur l’identité numérique (e-ID). Cette fois, le Conseil fédéral revient avec une version révisée, baptisée «swiyu», présentée comme une solution étatique garantissant la souveraineté des données. Mais ce projet, déjà bien avancé, suscite des inquiétudes quant à son coût, sa gestion, (...)

Anne Voeffray
Sciences & Technologies

Les délires d’Apertus

Cocorico! On aimerait se joindre aux clameurs admiratives qui ont accueilli le système d’intelligence artificielle des hautes écoles fédérales, à la barbe des géants américains et chinois. Mais voilà, ce site ouvert au public il y a peu est catastrophique. Chacun peut le tester. Vous vous amuserez beaucoup. Ou alors (...)

Jacques Pilet
Culture

Tchüss Switzerland?

Pour la troisième fois en 20 ans, le canton de Zurich envisage de repousser au secondaire l’apprentissage du français à l’école. Il n’est pas le seul. De quoi faire trembler la Suisse romande qui y voit une «attaque contre le français» et «la fin de la cohésion nationale». Est-ce vraiment (...)

Corinne Bloch
EconomieAccès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger