Plongée chez les Gilets jaunes qui veulent le grand chambardement

Publié le 28 janvier 2019
Personne ne sait où mènera le «grand débat» voulu par Macron qui mouille la chemise en parlant des heures et des heures avec le commun des mortels. Mais le fait est que cela discourt partout. Dans les mairies, les salles de quartier. Admirable frénésie civique. Aux antipodes de la Suisse assoupie! Les Gilets jaunes, eux, continuent d’agiter les samedis urbains, face à des policiers qui cognent et tirent. Ils se retrouvent aussi à palabrer dans différents groupes, sous des houlettes diverses, d’ailleurs vivement opposées entre elles. Visite à la mouvance joliment nommée «Les Jardiniers de la Constitution».

Une bonne centaine de personnes de tous âges ont bravé le soir pisseux et glacé pour se retrouver dans une salle perdue au fond du 13e arrondissement. Pour parler donc de la constitution idéale. Avec en prélude, une minute de silence pour les blessés, les éborgnés de ces derniers samedis, pour les manifestants et aussi pour les policiers atteints. «La violence est inacceptable». Une tête d’affiche: Priscillia Ludosky, la Martiniquaise de Seine-et-Marne, qui a lancé la première pétition contre la hausse des prix du carburant et a recueilli 1,2 million de signatures. Ce qui a lancé toute l’histoire. La jeune femme sourit beaucoup, parle peu, trouve les mots justes pour apaiser les tensions, une femme qui a la politique dans le sang. Elle mène bien son affaire, comme elle le fait pour sa boutique online de produits de beauté bio. On n’a pas fini d’en entendre parler.

Priscillia Ludosky était samedi dernier également dans la rue. © Capture d’écran Rfi

A ses côtés, le conférencier de la soirée: Etienne Chouard. Un professeur d’économie dans un lycée marseillais qui s’est fait connaître en échauffant la campagne du non au traité de Maastricht en 1995. Personnage aux contours flous: anar, démolisseur des élites, un genre de révolutionnaire, anti-européen («l’UE est un projet fasciste»), sympathisant à la fois de Jean-Luc Mélenchon, pour ses philippiques contre la finance, et de Alain Soral «qui ose dénoncer le sionisme colonial guerrier et raciste».

L’orateur — doué — est partout dans ces temps où certains rêvent de démonter le système. Il développe ses thèses en se défendant de le faire, appelant cent fois les uns et les autres à écrire eux-mêmes la constitution qui donnera enfin le pouvoir au peuple. Il déteste les élections. «La démocratie parlementaire est une prison o...

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