La SSR sacrifie les Romands

Publié le 11 juin 2021
Les coupes annoncées sur les programmes de la télévision publique suisse romande sont ahurissantes. Elles portent sur le cœur du service public: le débat et l’information. «Infrarouge» tous les quinze jours seulement, plus d’émission économique, «Temps présent» raccourci. Mais que les amateurs de jeux débiles et de séries se rassurent… là, on ne chipote pas.

La fonction essentielle de la démocratie, le débat, est foulée au pied. En Suisse romande. Parce qu’outre-Sarine, on continuera d’échanger des opinions, d’approfondir les sujets politiques et mêmes philosophiques. Avec l’émission star, Arena, admirablement animée par le journaliste Sandro Brotz. Et d’autres. Sternstunde le dimanche matin, jusque dans les hauteurs de la pensée. Et avec Standpunkte: des discussions organisées par les grands journaux: NZZ, Sonntagszeitung, Basler Zeitung, Südostschweiz. Les journalistes de ces titres y participent, invitent des personnalités de poids. L’idée n’a-t-elle jamais effleuré nos maîtres de l’audiovisuel que ce serait possible chez nous aussi de coopérer avec la presse?

Economiser sur une table ronde. Est-ce bien sérieux? Ce type d’émission est le moins coûteux qui soit. D’autant que les invités ne sont pas rétribués. A preuve, les télévisions régionales, notamment à Genève et en Valais, diffusent fréquemment des débats d’une bonne tenue, sans tralala scénique, alors qu’ils ne roulent pas sur l’or.

Coïncidence étonnante: au moment où la SSR sabre, deux éditeurs, de Aarau et de Zurich, ouvrent des rédactions, lancent des titres online pour les Romands. Eux aussi sont frappés par la baisse de la pub. Mais ils misent sur l’avenir et se réinventent.

Couper dans le registre de l’économie! Mais quelle vision ont ces décideurs de nos univers mentaux? Chaque jour, nous avons tous le nez collé sur la réalité économique et nous nous demandons où elle va. Tourner le dos à ces préoccupations au profit du divertissement, c’est infantiliser le public.

Mais vous oubliez la priorité au digital, nous rétorquera-t-on. On remarque cependant qu’à cet égard, le volet romand ne brille pas. Il existe côté alémanique plusieurs podcasts politiques et économiques que l’on cherche en vain en français.

Les milieux politiques s’émeuvent des choix faits à Genève. Mais sauront-ils rappeler à cette grande maison que l’on peut économiser autrement qu’en coupant à l’aveugle? Il doit être possible de faire une télévision sobre et de qualité avec des moyens réduits. Faute de quoi nous en conclurons que ses dirigeants nous prennent pour des benêts.

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