L’Europe aux ordres de Ursula… et des USA

Publié le 19 juillet 2024

Ursula von der Leyen et Joe Biden lors d’une conférence de presse commune à Rome, en octobre 2021. © The White House – source officielle

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, réélue pour cinq ans. La pluie de griefs qu’elle a subie est restée sans effets. Ce qui a convaincu le Parlement européen, c’est d’abord sa ligne dure face à la guerre Russie-Ukraine. Pas question d’efforts à la Orbán pour trouver un «apaisement» (le mot est d’elle pourtant). Les Etats-Unis peuvent se réjouir: les représentants européens, et pas seulement l’énergique Allemande, ont choisi librement de s’aligner sur la politique qu’ils imposent à leurs alliés.

Sans cette clé, c’est à n’y rien comprendre. Car à la veille même de l’élection, le Tribunal de l’Union européenne, l’une des deux juridictions qui constituent la Cour de justice de l’UE, tançait officiellement la présidente de la Commission pour son comportement lors de la crise du Covid. Elle négociait des contrats faramineux et opaques avec les pharmas, échangeant des SMS restés secrets avec le patron de Pfizer. Par ailleurs son mari a directement profité des crédits accordés pour la recherche… au sein d’un institut italien qui n’a jamais vu le jour!

Ce n’est pas tout. La présidente a été maintes fois critiquée, de tous les bords, pour s’être maintes fois posée, dans les questions internationales, en cheffe d’Etat, ce qu’elle n’est pas. Sans guère consulter les pays membres, sans égards pour la diversité des sensibilités. Cette patronne autoritaire décide tout en petit comité, avec ses proches, presque tous allemands. Au sein même du collège, les dents grinçaient souvent. Enfin elle a affiché lors de sa campagne électorale un opportunisme sans bornes. Lançant toutes sortes de suggestions pour plaire à telle ou telle formation et s’assurer de leur soutien. Par exemple la désignation d’un commissaire proposé au logement. On patauge dans le méli-mélo des compétences, la Commission voulant son mot sur tout, des sujets minuscules aux plus ambitieux, souvent hors du champ de ses prérogatives.

L’émotion belliqueuse a balayé tous ces reproches. Conséquences? Il en est une qui saute aux yeux. Dans plusieurs pays, l’UE a toutes les peines à trouver compréhension et sympathie auprès de l’opinion. En France par exemple, elle fait souvent l’objet, à gauche comme à droite, d’une forme de détestation. Le pouvoir de «Bruxelles», comme on dit avec la moue, reste éloigné des citoyens. Mal compris. Vu par beaucoup avec au moins de la méfiance. Parce que ses rouages bureaucratiques sont abscons. Parce qu’ici et là, l’UE apparaît comme une menace pour la souveraineté des Etats. Parce que l’idéal du début – bâtir ensemble un espace – depuis s’est essoufflé. Parce que l’édifice apparaît comme un «machin» aux priorités d’abord économiques. Et politiques aussi si l’on songe à la perspective d’accueillir au plus vite l’Ukraine dans le club, quel que soit l’état réel de ce malheureux pays, quelles que soient les conséquences prévisibles sur les partenaires de vieille date déjà fragilisés. Quant aux freins promis à l’immigration, on sait que des paroles aux actes… Il y a des réalités qui s’imposent au-delà du verbe tonitruant.

Les envolées d’Ursula von der Leyen sur la défense des «valeurs démocratiques» à l’échelle du monde ne réanimeront pas non plus la flamme. Car le monde a changé. Car beaucoup d’Européens, plus qu’on ne le dit, préfèrent les discours de paix aux plaideurs d’une guerre sans fin sur leur continent.

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