C’était Mühleberg: l’adieu à la centrale nucléaire

Publié le 19 décembre 2019
Mise en service en 1972, l’exploitation électrique bernoise s’arrêtera définitivement vendredi. Ingénieurs, agriculteurs, élus: ils font leur deuil d’un long compagnonnage avec un monstre qui a cessé d’être sacré. Reportage.

Ce vendredi à 12h30 la Suisse entame sa sortie du nucléaire. Les cars de la télévision alémanique retransmettront l’événement. Un «quarante minutes» depuis la centrale bernoise de Mühleberg, premier des cinq dominos de la filière atomique helvétique à tomber jusqu’à 2050, l’échéance de fin approuvée en 2017 par votation. Les caméras seront dans la salle des commandes, ce lieu fantasmagorique d’une énergie qui fascine autant qu’elle fait peur. «Elles retransmettront en direct l’arrêt de l’installation qu’un opérateur effectuera en enfonçant simultanément deux boutons», explique le Romand Patrick Miazza, ingénieur nucléaire diplômé de l’EPFL, ancien directeur de la centrale de Mühleberg de 2002 à 2011. 
Le réacteur à «eau bouillante», qui fournit 5% du besoin national d’électricité, aura, alors, définitivement, cessé de fonctionner. La manœuvre fatidique se déroulera cette nuit: les barres de contrôle contenant du carbure de bore seront introduites dans le cœur du réacteur entre les éléments de combustible, ayant pour effet de diminuer progressivement l’activité neutronique responsable de la fission nucléaire et de son corolaire, la radioactivité, si longue à disparaître, elle. Cette opération, mesure élémentaire de sécurité, le personnel de Mühleberg s’y est exercé des dizaines de fois dans le passé.
Patrick Miazza, ancien directeur de la centrale nucléaire de Mühleberg de 2002 à 2011. © Antoine Menusier
Pas de quoi paniquer, assure-t-on. Le «couac» tragique de Tchernobyl, en 1986, à la suite d’un funeste essai, qu’une récente série homonyme produite par HBO a rendu dans ses moindres détails, est ici «physiquement impossible». En termes technologiques, la comparaison tiendrait davantage avec la centrale nucléaire de Fukushima, à «eau bouillante» également et dont trois r...

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