Antoine Menusier: «La honte des pères a créé la haine des fils»

Publié le 24 juillet 2019
Du jamais vu. Un écrit fouillé, original, nuancé et sans tabou sur la question des immigrés maghrébins dans les banlieues françaises. «Le livre des indésirés» (2019) d’Antoine Menusier publié aux Editions du Cerf relève d’un travail de terrain s’étendant sur des années et des années. Rencontre.

Son ouvrage est dense, passionnant. Il est le fruit d’une dizaine d’années d’observation. Le journaliste Antoine Menusier, qui a grandi en Suisse, a été rédacteur en chef du Bondy Blog, créé par L’Hebdo pendant les émeutes de 2005 dans les banlieues françaises. Ayant pour vocation de faire parler les quartiers sensibles, ce site d’actualité basé en Seine-Saint-Denis est toujours en activité. Avec une ligne éditoriale toutefois bien différente de celle qu’avait connue Antoine Menusier quand il y écrivait encore.
Son intérêt pour le sujet des banlieues date cependant d’avant l’apparition de ce média en ligne. Marchant dans les rues de Neuchâtel, il m’avoue de manière générale avoir toujours eu plus d’attirance pour la civilisation de l’huile d’olive que pour le Nord et sa mythologie que l’on retrouve dans Game of Thrones. Journaliste mi-classique mi-gonzo, ayant participé au Nouveau Quotidien et à l’Hebdo, entre autres publications, mon interlocuteur du jour est d’une rare amabilité, mais sa mine sérieuse rappelle la gravité du sujet dont nous allons parler.
Le livre des indésirés compte plusieurs points notables, à commencer par son titre: une véritable trouvaille. Les enfants de la colonisation, ces enfants que la France aime bien mais qu’elle n’a pas vraiment désirés. Indésirés d’abord comme immigrés, ensuite dans la société civile: la politique, les hautes études, le monde professionnel. «Tout ce que je demande, c’est qu’on ne m’humilie pas», s’exprime l’une des voix du livre. Sur l’échec des «territoires perdus de la République», on ne peut que partager le constat de Menusier. Ou plutôt devrait-on parler des territoires oubliés, comme il préfère les nommer. Car pour lui, tout n’est pas encore perdu.
Pourtant, tout est allé déjà tellement loin dans l’inacceptable. Car...

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