Henry Miller grandeur nature

Publié le 25 novembre 2020
Relu Plexus d’Henry Miller. L’auteur américain disparu il y a quarante ans, en 1980. Un anniversaire passé quasi inaperçu. Peut-être parce qu’on ne lit plus guère Miller. Moi-même, ces dernières années, reprenant l’un de ses livres, je l’abandonnais presque aussitôt. Alors qu’à vingt ans j’avais dévoré La Crucifixion en rose, Tropique du Cancer, Big Sur. Que s’était-il passé? La magie n’y était plus. Je n’arrivais plus à m’intéresser à cet immense fatras. A ce qu’il faut bien appeler le grand bordel de Miller. Or voici que je retrouve, intact, ce que j’ai aimé chez lui, sa générosité, son appétit de vivre. Plus nécessaires que jamais.

Des trois volumes de La Crucifixion en rose – voilà encore un titre que j’envie – deux seulement étaient alors disponibles à mon époque, Plexus et Nexus. Quant à lire Sexus, le premier volet de la trilogie, il ne fallait point y songer. Dans l’édition de poche de Plexus de 1969 que j’ai gardée précieusement et qui trône bien en vue sur un rayon de ma bibliothèque, à la rubrique «Œuvres de Henry Miller», Sexus est certes mentionné, mais accompagné de l’avertissement:«interdit dans le commerce.» C’est que dans ma jeunesse, je parle de la fin des années 1960, début des années 1970, Henry Miller apparaissait encore comme un auteur sulfureux, sinon maudit, que certains n’hésitaient pas à qualifier de pornographe. The Rosy Crucifixion, écrite entre 1942 et 1959, demeura d’ailleurs longtemps proscrite aux Etats-Unis, ne paraissant tout d’abord qu’en France et au Japon. Et c’est à Paris qu’est publié Plexus par Olympia Press. Maison qui avait pris la succession des fameuses éditions Obelisk Press fondées en 1929 et qui publièrent sur sol français quantité d’auteurs anglophones qui, de ce fait, échappèrent à la censure, Lawrence Durrell, James Joyce, Anaïs Nin. 

Couverture de Plexus, Le Livre de Poche, 1969 © Coll. part.
De tous les livres de Miller que j’ai lus, Plexus demeure l’un de mes préférés. Peut-être parce qu’il reste associé à ma découverte de la littérature, à mon propre désir d’écrire. Dans ce gros livre, qui échappe à toutes les classifications, à la fois roman, autobiographie, autofiction, Miller raconte ce qui constitue une rupture doublée d’une libération. Son abandon, à trente ans passé, de la vie rangée qui était jusque-là la sienne de directeur du personnel de la Western Union Telegraph, pour enfin sauter le pas et se consacrer entièrement à l’écriture, à la ...

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