La vraie littérature vaut mieux que tous les prix même mérités…

Publié le 13 novembre 2020
Entre un prix Goncourt reporté et un Grand Prix Ramuz attribué à titre posthume à Philippe Rahmy, le recul ironique s’impose plus que jamais à celles et ceux qui attendent de la littérature plus que des salamalecs convenus − sans jeter pour autant le bébé Qualité avec l’eau du bain mondain…

Faut-il aujourd’hui se défénestrer pour lancer son nouveau roman, comme le suggère Hervé le Tellier dans son dernier opus, L’Anomalie, nominé pour les plus grands prix parisiens de cet automne? Et faudra-t-il demain, tant qu’à réviser le passé, multiplier les prix littéraires posthumes pour exorciser les injustes «oublis» récents ou passés?
Telles sont, entre autres, les questions qui se posent ces jours à propos des prix littéraires aussi courus par les uns que dénigrés par d’autres, quand ce n’est pas par les mêmes.
Ainsi d’un Paul Léautaud, esprit libre s’il en fut, qui frétilla en ses jeunes années quand son (délicieux) Petit ami frisa le Goncourt, et qui vitupéra plus tard l’institution des prix littéraires en affirmant qu’elle ne valait pas mieux, avec ses médailles, que celle du Mérite agricole.
De la même façon, mais avec plus d’exemples souvent hilarants, un Thomas Bernhard, titulaire de divers prix mais «oublié» du Nobel comme tant d’autres d’égal mérite (un Borges, un Joyce, un Nabokov, etc.), aligne dans Mes prix littéraires (Gallimard, 1998) les bonnes raisons personnelles que les auteurs ont d’apprécier les prix, leur offrant une possibilité soudaine de se payer un scooter ou une Rolls, autant que les bémols liés au caractère souvent arbitraire ou même bouffon de leur attribution. Dans notre proche entourage, nous aurons d’ailleurs vu à quel point un prix Goncourt peut valoir le meilleur et le pire à un auteur bien ou mal jugé en fonction de ce seul hochet.
Les prix incitent à lire: bon point…
Dans les années 70 du siècle passé où le prix Goncourt fut attribué à Jacques Chessex pour L’Ogre que, pour ma part, à 26 ans et avec toutes mes dents, j’ai osé déclarer «fait pour le Goncourt» dans la Tribune de Lausanne, à la fureur de l’intéressé (devenu mon ami p...

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