Bonnie and Clyde afro-américains

Publié le 17 juin 2020
Sorti en catimini au début de l'année, même pas distribué en Suisse romande, «Queen & Slim» de Melina Matsoukas entre aujourd'hui fortement en résonance avec les mobilisations antiracistes qui ont suivi l'affaire George Floyd. Du coup, le voilà à l'affiche à Genève et à Lausanne. Partant d'un contrôle policier qui se passe mal, le film s'emmêle un peu les pinceaux mais reste frappant.

C'est ce qu'on appelle de l'opportunisme. Production indépendante achetée pour distribution par la «major» Universal sans être passée par la case festivals, Queen & Slim était sorti en novembre dernier aux Etats-Unis, où il a connu un joli succès, tant commercial que critique, surtout pour un film estampillé afro-américain. Chez nous par contre, les résultats décevants enregistrés en janvier en Suisse allemande (5000 entrées) ont d'abord fait renoncer à une sortie romande, alors même que le film sortait en France en février. Là-dessus est arrivée la crise du Covid-19 et surtout l'affaire George Floyd, qui ont fait reconsidérer l'opportunité de cette sortie, pour finir effectuée sans la moindre publicité ni vision de presse! Voilà qui en dit long sur l'état de désarroi dans lequel se trouve aujourd'hui la branche du cinéma, qui ne sait plus à quel saint se vouer.
Sorte de Bonnie and Clyde afro-américain mâtiné de road-movie, Queen & Slim s'appuie en fait sur une longue tradition du cinéma américain: celle du couple en fuite devant un système injuste, sous-genre qui remonte à Fritz Lang et son puissant J'ai le droit de vivre (You Only Live Once, 1937). Le pedigree du film est étrange en ce qu'il compte un auteur blanc, James Frey, qui a soufflé l'idée de départ à une scénariste de télévision afro-américaine, Lena Waithe, laquelle a ensuite confié son bébé à une réalisatrice métisse (d'origine mi-jamaïcaine mi-grecque), Melina Matsoukas, venue quant à elle du clip musical. Le résultat est un vrai film de cinéma, d'abord conçu à l'intention de la communauté noire mais d'une qualité qui le fait largement échapper au cinéma «de ghetto», de même que récemment les films de Jordan Peele (Get Out), Barry Jenkins (Moonlight) et bien sûr Ryan Coogler (Black Panther).

Sylvia Sidney...

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