Non, le français n’est pas en danger, oui, la langue peut être un outil de pouvoir

Publié le 28 juillet 2023
Les lamentations concernant la dégénérescence du français ne datent pas d’aujourd’hui. Jeunes, provinciaux, pauvres, colonisés... il y a toujours quelqu’un que les élites accusent de maltraiter la langue, confondant souvent celle-ci avec les règles de l’orthographe ou de la syntaxe. Mais au-delà des réflexes conservateurs, le langage, lui, déborde souvent du cadre, tandis que la langue peut être outil de pouvoir et de domination. Trois livres proposent d’utiles réflexions sur le sujet.

«Nous, linguistes, sommes proprement atterrées par l’ampleur de la diffusion d’idées fausses sur la langue française. (…) Les discours évaluatifs, qui indiquent ce qui serait "correct", saturent quasiment l’espace éditorial et médiatique contemporain, incitant à réduire toute réflexion sur la langue à la recherche simpliste des formes sans faute. (…) L’accumulation de déclarations catastrophistes sur l’état actuel de notre langue a fini par empêcher de comprendre son immense vitalité, sa fascinante et perpétuelle faculté à s’adapter au changement, et même par empêcher de croire à son avenir! Il y a urgence à y répondre.» C’est certain, le Tract Gallimard des Linguistes attérées ne va pas plaire à celles et ceux qui sacralisent la langue française et s’offusquent – depuis des siècles – que des malappris l’ayant mal apprise la malmènent, la transforment, la triturent, jouent avec, inventent, ne respectent ni sa grammaire ni son orthographe, se fichent de la bienséance, fassent la nique aux bourgeois, libèrent les mots et les phrases, se libérant ainsi eux-mêmes des convenances et de l’ordre établi.
Le français va très bien
Le français va très bien, merci, est l’œuvre de dix-huit linguistes francophones, français, belges, canadiens et suisses. Ils revisitent dix idées reçues concernant le français et présentent trente propositions pour contrer les discours alarmistes et soutenir le français comme langue vivante.
Une de ces idées reçues est que «les linguistes sont des laxistes pour lesquels tous les usages se valent». Ce à quoi les auteurs répondent en précisant que «les linguistes sont les scientifiques de la langue». Ils ne font ni la morale ni de l’idéologie, et pour eux, «la norme puriste n’est autre chose qu’un discours sur la langue, un objet d’étude en tant que tel,...

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