Le lobbyisme sous notre coupole a de beaux jours devant lui

Depuis de nombreuses décennies, l’agriculture suisse ne connaît qu’une seule direction: de moins en moins d’agriculteurs cultivent des surfaces de plus en plus grandes. Une évolution que l’on appelle aussi «mort des paysans» ou «mort des fermes». Rien que l’année dernière, près de 500 fermes ont fermé définitivement leurs portes en Suisse. Au cours des 40 dernières années, le nombre d’exploitations agricoles suisses a diminué de plus de la moitié. Néanmoins, aujourd’hui comme hier, le nombre de personnes cherchant une ferme est supérieur à celui des chefs d’exploitation qui transmettent leur ferme en dehors de la famille. Cela est dû à une combinaison complexe d’obstacles financiers, légaux et sociaux.
Un des points que l’association critique se trouve dans le droit foncier rural. La limite des UMOS1 joue un rôle décisif, car elle définit une exploitation comme artisanale ou non. Dans la plupart des cantons, ce seuil est fixé à 1,0 UMOS. Légalement, les cantons ont la possibilité d’abaisser la limite UMOS jusqu’à 0,6 UMOS, ce que certains ont fait. La pétition demande que les petites exploitations puissent elles aussi bénéficier des possibilités de développement et de conditions-cadres simplifiées pour la remise de l’exploitation.
Un autre point essentiel relevé est la biodiversité. Si l’on veut lutter contre la crise climatique et mettre fin à la disparition des insectes et des oiseaux, il faut aussi mettre fin à la disparition des fermes. Celle-ci s’accompagne souvent de la perte de structures agricoles, par exemple la suppression des haies pour regrouper les champs existants. C’est ainsi que l’on perd un espace vital important pour les animaux et les plantes.
Dans sa prise de position mi-décembre, le Conseil fédéral souligne que l’agrandissement progressif des exploitations conduit à une plus grande professionnalisation et à une meilleure efficacité. Si l’on s’en tient à la politique, les agriculteurs doivent donc exploiter de manière toujours plus rationnelle et intensive. Une doctrine qui est plus facile à suivre avec des fermes plus grandes, car les investissements dans de nouvelles machines agricoles seraient ainsi plus rapidement amortis.
Que notre ministre de l’Agriculture Guy Parmelin ne montre aucun intérêt pour défendre la petite structure agricole n’est pas nouveau. Il a été vice-président du conseil d’administration de la Fédération des Coopératives Agricoles Suisses (Fenaco) durant des nombreuses années. Fenaco est une entreprise organisée sous forme de coopérative, et est issue de la fusion en 1993 de six fédérations de coopératives agricoles. Par cette immense structure avec 11’000 employés et un chiffre d’affaires de 7 milliards de francs, elle fournit aux agriculteurs les moyens de production (semences, fourrage, engrais, machine agricoles), transforment et commercialisent les fruits, légumes, bétail et est devenue ainsi l’un des acteurs les plus importants dans le secteur de l’agriculture suisse. Parmelin soutiendra toujours ses amis de la Fenaco, pour le meilleur et pour le pire et au détriment des petites structures agricoles.
Ce qui est en revanche beaucoup plus inquiétant, c’est le fait que les citoyens suisses, particulièrement les citadins, électeurs verts et socialistes, facilement indignés par toutes sortes de sujets, n’émettent pas une once de critique pour Parmelin et ses prises de position. La séquence politique du mois dernier entre l’association des petits paysans et Parmelin montre qu’il y a une défaillance dans notre société où ne comptent plus que les «buzz» sous forme d’initiatives chocs qui atteignent les citoyens, et que les habitants ordinaires de nos villes, certainement trop occupés par une multitude d’obligations, ne sont pas en mesure de s’intéresser de manière plus approfondie aux autres sujets.
Sur cette base, le lobbying sous la coupole a effectivement de beaux jours devant lui.
1Unité de main d’œuvre standard qui sert à mesurer la taille d’une exploitation au moyen de facteurs standardisés basés sur des données d’économie du travail.
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