Publié le 25 novembre 2022
«Vie d'une prostituée» de Marie-Thérèse affiche une insolite singularité, une vitalité admirable, une franchise hors du commun. Marie-Thérèse finit son livre par où elle l’a commencé en nous apprenant qu’elle a déclaré juste après avoir lu un livre d’Henry Miller être capable d’en faire autant.

Au voisin qui lui a prêté cet ouvrage, elle a dit: «Si c’est ça, la littérature, je t’en ferai des kilomètres!...» «Essaie, on verra bien», qu’il lui a répondu. «Pour t’encourager, je te payerais cinquante francs par page écrite». 
Et du coup, elle s’est mise à raconter, avec un regard pragmatique, dans une langue archi crue et dénuée de toute fioriture, son existence durant les années de guerre, sa vie dans les maisons closes, ou sur le trottoir, ses relations avec les clients. 
«Un étonnant morceau de littérature brute» dit, en 1947, Simone de Beauvoir, décidément à l’avant-garde du côté de la question féminine, en proposant Vie d’une prostituée de Marie-Thérèse au comité de rédaction des Temps modernes qui le publie dans une version réduite de moitié par rapport au manuscrit original, c’est-à-dire largement expurgée! C’est sa vieille amie féministe, Colette Audry, qui le lui a apporté et on peut postuler que, plus que le récit d’une vie de péripatéticienne, c’est le côté bisexuel de cette existence, avoué et revendiqué par Marie-Thérèse Cointre, qui génère cet engouement de la part de l’auteur du Deuxième sexe. 
Quand René Bertelé, l’éditeur de Prévert, et ami lui aussi de Colette Audry, s’aperçut que le manuscrit avait été massacré par les existentialistes germanopratins dans leur revue, il décida d’en publier clandestinement la version intégrale et c’est celle-ci, épuisée depuis longtemps, qui est aujourd’hui republiée par la Manufacture de livres.
Mais, si vous le voulez bien, reprenons tout au début
Pour pouvoir partir de chez ses parents, Marie-Thérèse épouse, à 16 ans, un homme de 29 ans qui lui interdit de se maquiller, d’aller au cinéma et qui lui fait un enfant de façon à ce qu’elle soit  forcée de rester à la maison. C’est un garçon, prénommé Jacques et qui...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Culture

Le roman filial de Carrère filtre un amour aux yeux ouverts…

Véritable monument à la mémoire d’Hélène Carrère d’Encausse, son illustre mère, «Kolkhoze» est à la fois la saga d’une famille largement «élargie» où se mêlent origines géorgienne et française, avant la très forte accointance russe de la plus fameuse spécialiste en la matière qui, s’agissant de Poutine, reconnut qu’elle avait (...)

Jean-Louis Kuffer
Culture

Ecrivaine, éditrice et engagée pour l’Ukraine

Marta Z. Czarska est une battante. Traductrice établie à Bienne, elle a vu fondre son activité avec l’arrivée des logiciels de traduction. Elle s’est donc mise à l’écriture, puis à l’édition à la faveur de quelques rencontres amicales. Aujourd’hui, elle s’engage de surcroît pour le déminage du pays fracassé. Fête (...)

Jacques Pilet

Une société de privilèges n’est pas une société démocratique

Si nous bénéficions toutes et tous de privilèges, ceux-ci sont souvent masqués, voir niés. Dans son livre «Privilèges – Ce qu’il nous reste à abolir», la philosophe française Alice de Rochechouart démontre les mécanismes qui font que nos institutions ne sont pas neutres et que nos sociétés sont inégalitaires. Elle (...)

Patrick Morier-Genoud
Accès libre

Comment les industriels ont fabriqué le mythe du marché libre

Des fables radiophoniques – dont l’une inspirée d’un conte suisse pour enfants! – aux chaires universitaires, des films hollywoodiens aux manuels scolaires, le patronat américain a dépensé des millions pour transformer une doctrine contestée en dogme. Deux historiens dévoilent cette stratégie de communication sans précédent, dont le contenu, trompeur, continue (...)

Quand notre culture revendique le «populaire de qualité»

Du club FipFop aux mémorables albums à vignettes des firmes chocolatières NPCK, ou à ceux des éditions Silva, en passant par les pages culturelles des hebdos de la grande distribution, une forme de culture assez typiquement suisse a marqué la deuxième décennie du XXe siècle et jusque dans la relance (...)

Jean-Louis Kuffer

Quentin Mouron ressaisit le bruit du temps que nous vivons

Avec «La Fin de la tristesse», son onzième opus, le romancier-poète-essayiste en impose par sa formidable absorption des thèmes qui font mal en notre drôle d’époque (amours en vrille, violence sociale et domestique, confrontation des genres exacerbée, racisme latent et dérives fascisantes, méli-mélo des idéologies déconnectées, confusion mondialisée, etc.) et (...)

Jean-Louis Kuffer

Le cadeau de Trump aux Suisses pour le 1er Août

Avec 39 % de taxes douanières supplémentaires sur les importations suisses, notre pays rejoint la queue de peloton. La fête nationale nous offre toutefois l’occasion de nous interroger sur notre place dans le monde. Et de rendre hommage à deux personnalités du début du 20e siècle: Albert Gobat et Carl (...)

Jean-Daniel Ruch

«L’actualité, c’est comme la vitrine d’une grande quincaillerie…»

Pendant de nombreuses années, les lecteurs et les lectrices du «Matin Dimanche» ont eu droit, entre des éléments d’actualité et de nombreuses pages de publicité, à une chronique «décalée», celle de Christophe Gallaz. Comme un accident hebdomadaire dans une machinerie bien huilée. Aujourd’hui, les Editions Antipode publient «Au creux du (...)

Patrick Morier-Genoud

Voyage en vélo à travers la Bulgarie (3 et fin)

Six cents kilomètres séparent Sofia, la capitale, de Velik Tarnovo, au centre-nord de la Bulgarie. En dix-sept jours de vélo, du 17 mai au 3 juin, j’ai découvert un pays attachant et d’une richesse culturelle insoupçonnée. Dans ce troisième et dernier chapitre, je vous propose, entre autres, de rencontrer des (...)

Roland Sauter

Intelligence artificielle: les non-dits

On nous annonce une révolution avec l’arrivée invasive et fulgurante de l’IA dans nos vies, nos modes d’apprentissage et de production et, surtout, la mise à disposition de l’information immédiate et «gratuite» sans effort, objet central ici. Or nous ne mesurons aucunement ce que cela signifie vraiment.

Jamal Reddani

Voyage en vélo à travers la Bulgarie (2)

Six cents kilomètres séparent Sofia, la capitale, de Velik Tarnovo, au centre-nord de la Bulgarie. En dix-sept jours de vélo, du 17 mai au 3 juin, j’ai découvert une richesse culturelle insoupçonnée: les fresques des tombeaux thraces, vieux de 24 siècles, un stade et un théâtre romain parfaitement conservés et (...)

Roland Sauter

Quand Max Lobe dit le Bantou s’en va goûter chez Gustave Roud…

«La Danse des pères», septième opus de l’écrivain camerounais naturalisé suisse, est d’abord et avant tout une danse avec les mots, joyeuse et triste à la fois. La «chose blanche» romande saura-t-elle accueillir l’extravagant dans sa paroisse littéraire? C’est déjà fait et que ça dure! Au goûter imaginaire où le (...)

Jean-Louis Kuffer

Voyage en vélo à travers la Bulgarie

Six cents kilomètres séparent Sofia, la capitale, de Velik Tarnovo, au centre-nord de la Bulgarie. En dix-sept jours de vélo, du 17 mai au 3 juin, j’ai découvert une richesse culturelle insoupçonnée: les fresques des tombeaux thraces, vieux de 24 siècles, un stade et un théâtre romain parfaitement conservés et (...)

Roland Sauter

Transidentité: tapage exagéré?

Selon le site d’information lausannois «L’impertinent», l’intérêt démesuré des médias pour la transidentité relèverait d’une stratégie.

Jacques Pilet
Accès libre

Combien de temps l’humanité survivrait-elle si l’on arrêtait de faire des enfants?

Suffit-il de calculer l’espérance de vie maximale d’un humain pour deviner combien de temps mettrait l’humanité à disparaître si l’on arrêtait de se reproduire? Pas si simple répond l’anthropologue américain Michael A. Little.

Bon pour la tête

Faut-il vraiment se méfier de Yuval Noah Harari?

La trajectoire du petit prof d’histoire israélien devenu mondialement connu avec quatre ouvrages de vulgarisation à large spectre, dont Sapiens aux millions de lecteurs, a suscité quelques accusations portant sur le manque de sérieux scientifique de l’auteur, lequel n’a pourtant jamais posé au savant. D’aucun(e)s vont jusqu’à le taxer de (...)

Jean-Louis Kuffer