Un ténu rai de lumière aux heures les plus sombres

Publié le 11 novembre 2022
Paru fin 2020 chez i-lirEdition, le recueil «Lueurs dans la nuit» est l’aboutissement poétique d’une très longue méditation d'Anne Burger sur les atrocités de la guerre pour ceux qu’elle mutile et décime comme pour celles qu’elle endeuille. La réflexion prend une épaisseur particulière sous la plume de cette autrice qui vient de perdre sa sœur jumelle après avoir consacré un autre recueil de poèmes à l’impossibilité de lui survivre («Chant des inséparables», éditions Samizdat, octobre 2016). Un thème d'actualité s'il en est, traité avec infiniment de délicatesse.

En préambule, l’autrice neuchâteloise commence par s’excuser d’évoquer des réalités qu’elle n’a pas vécues personnellement et qui pourtant la hantent. Elle explique sa démarche, son admiration pour la capacité à survivre de ceux qui sont revenus de l’enfer.
Les poèmes d’Anne Burger expriment violemment le besoin de dire, d’écrire, de dénoncer l’insoutenable quand c’est le seul moyen d’y résister, pour qu’il en reste une trace.
Ils disent «l’époux le frère le fils front de chair fraîche» et l’adolescent à l’orgueil meurtri que son trop jeune âge interdit de sacrifice.
Ils donnent à voir l’acharnement à survivre envers et contre tout,
«offrir ses orbites creusées à l’ouest et que s’y enfile enfin la nuit un semblant de repos»
et à sentir la pestilence endurée pour offrir une sépulture aux copains.
Les poèmes d’Anne Burger illustrent les prières «avec des mots décousus au travers de bouches cousues.»
Ils rendent compte de la douleur persistante d’un membre amputé.
Ils s’arrêtent sur le brin d’espérance que représente un coquelicot et sur l’abrutissement de ceux qui le déracinent.
Ses poèmes décrivent «une coulée d’esclaves qui passe comme un troupeau nourri de clous» sous les yeux de ceux dont ce sera le tour un jour.
Ils évoquent «une poudre plus mortelle que la mort» et l’espoir flou du brouillard complice quand il étouffe les miradors.
Ils saluent le courage des femmes qui ralentissent le présent quand même les rats meurent de faim, ces femmes qui osent revêtir les culottes des hommes pour «penser à demain qui n’est pas encore, mais s’entend déjà», ils saluent ce courage sans pour autant taire la lâcheté qu’il y a à renier l’autre dans un réflexe de survie et la honte qu’il faut porter ensuite face à tous les miroirs.
Les poèmes d’Anne Burger rendent compte de l’extrême...

Ce contenu est réservé aux abonnés

En vous abonnant, vous soutenez un média indépendant, sans publicité ni sponsor, qui refuse les récits simplistes et les oppositions binaires.

Vous accédez à du contenu exclusif :

  • Articles hebdomadaires pour décrypter l’actualité autrement

  • Masterclass approfondies avec des intervenants de haut niveau

  • Conférences en ligne thématiques, en direct ou en replay

  • Séances de questions-réponses avec les invités de nos entretiens

  • Et bien plus encore… 

Déjà abonné ? Se connecter

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Politique

Le déclassement géopolitique de la Suisse est-il irréversible?

Même s’il reste très aléatoire de faire des prévisions, il est légitime de se demander aujourd’hui ce que nos descendants, historiens et citoyens, penseront de nous dans 50 ans. A quoi ressemblera la Suisse dans un demi-siècle? A quoi ressembleront l’Europe, si elle n’a pas été «thermonucléarisée» entre-temps, et le (...)

Georges Martin
Culture

Ecrivaine, éditrice et engagée pour l’Ukraine

Marta Z. Czarska est une battante. Traductrice établie à Bienne, elle a vu fondre son activité avec l’arrivée des logiciels de traduction. Elle s’est donc mise à l’écriture, puis à l’édition à la faveur de quelques rencontres amicales. Aujourd’hui, elle s’engage de surcroît pour le déminage du pays fracassé. Fête (...)

Jacques Pilet

A confondre le verbe et l’action, on risque de se planter

De tout temps, dans la galerie des puissants, il y eut les taiseux obstinés et les bavards virevoltants. Donald Trump fait mieux. Il se veut le sorcier qui touille dans la marmite brûlante de ses colères et de ses désirs. Il en jaillit toutes sortes de bizarreries. L’occasion de s’interroger: (...)

Jacques Pilet

Les fantasmes des chefs de guerre suisses

Il arrive que le verrou des non-dits finisse par sauter. Ainsi on apprend au détour d’une longue interview dans la NZZ que le F-35 a été choisi pas tant pour protéger notre ciel que pour aller bombarder des cibles à des centaines, des milliers de kilomètres de la Suisse. En (...)

Jacques Pilet

Netanyahu veut faire d’Israël une «super Sparte»

Nos confrères du quotidien israélien «Haaretz» relatent un discours du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui évoque «l’isolement croissant» d’Israël et son besoin d’autosuffisance, notamment en matière d’armement. Dans un éditorial, le même quotidien analyse ce projet jugé dangereux et autodestructeur.

Simon Murat

Coulisses et conséquences de l’agression israélienne à Doha

L’attaque contre le Qatar du 9 septembre est le cinquième acte de guerre d’Israël contre un Etat souverain en deux ans. Mais celui-ci est différent, car l’émirat est un partenaire ami de l’Occident. Et rien n’exclut que les Américains aient participé à son orchestration. Quant au droit international, même le (...)

Jean-Daniel Ruch

La fin du sionisme en direct

La guerre totale menée par Israël au nom du sionisme semble incompréhensible tant elle délaisse le champ de la stratégie politique et militaire pour des conceptions mystiques et psychologiques. C’est une guerre sans fin possible, dont l’échec programmé est intrinsèque à ses objectifs.

David Laufer

Quand notre culture revendique le «populaire de qualité»

Du club FipFop aux mémorables albums à vignettes des firmes chocolatières NPCK, ou à ceux des éditions Silva, en passant par les pages culturelles des hebdos de la grande distribution, une forme de culture assez typiquement suisse a marqué la deuxième décennie du XXe siècle et jusque dans la relance (...)

Jean-Louis Kuffer

Le trio des va-t-en-guerre aux poches trouées

L’Allemand Merz, le Français Macron et le Britannique Starmer ont trois points communs. Chez eux, ils font face à une situation politique, économique et sociale dramatique. Ils donnent le ton chez les partisans d’affaiblir la Russie par tous les moyens au nom de la défense de l’Ukraine et marginalisent les (...)

Jacques Pilet

La géopolitique en mode messianique

Fascinés par le grand jeu mené à Anchorage et Washington, nous avons quelque peu détourné nos regards du Moyen-Orient. Où les tragédies n’en finissent pas, à Gaza et dans le voisinage d’Israël. Où, malgré divers pourparlers, aucun sursis, aucun accord de paix ne sont en vue. Où un nouvel assaut (...)

Jacques Pilet

Ukraine: le silence des armes n’est plus impossible

Bien qu’elles soient niées un peu partout en Occident, des avancées considérables vers une résolution du conflit russo-ukrainien ont eu lieu en Alaska et à Washington ces derniers jours. Le sort de la paix dépend désormais de la capacité de l’Ukraine et des Européens à abandonner leurs illusions jusqu’au-boutistes. Mais (...)

Guy Mettan

Quentin Mouron ressaisit le bruit du temps que nous vivons

Avec «La Fin de la tristesse», son onzième opus, le romancier-poète-essayiste en impose par sa formidable absorption des thèmes qui font mal en notre drôle d’époque (amours en vrille, violence sociale et domestique, confrontation des genres exacerbée, racisme latent et dérives fascisantes, méli-mélo des idéologies déconnectées, confusion mondialisée, etc.) et (...)

Jean-Louis Kuffer

Au Liban, le Hezbollah pèse encore lourd

A Beyrouth, meurtrie par treize mois de guerre, la cérémonie de l’Achoura, célébrée chaque année par les chiites du monde entier, a pris une tournure politique suite à la mort du leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, tué par les frappes israéliennes. Si sa disparition marque un tournant, la ferveur populaire (...)

«L’actualité, c’est comme la vitrine d’une grande quincaillerie…»

Pendant de nombreuses années, les lecteurs et les lectrices du «Matin Dimanche» ont eu droit, entre des éléments d’actualité et de nombreuses pages de publicité, à une chronique «décalée», celle de Christophe Gallaz. Comme un accident hebdomadaire dans une machinerie bien huilée. Aujourd’hui, les Editions Antipode publient «Au creux du (...)

Patrick Morier-Genoud

La stratégie du chaos

L’horreur du massacre des Gazaouis soulève de plus en plus d’émotion dans le monde, sinon des réactions et des sanctions gouvernementales à la mesure de ce fait historique. Cela ne doit pas nous empêcher de nous interroger froidement sur ce que veulent Israël et son allié américain au Moyen-Orient. Une (...)

Jacques Pilet
Culture

A Gaza, la poésie survit sous les bombes

L’armée israélienne détruit méthodiquement Gaza avec la volonté affichée de faire disparaître non seulement les Palestiniens qui y vivent mais aussi leur culture. Une anthologie de la poésie gazaouie d’aujourd’hui vient de paraître, regroupant les poèmes de vingt-six autrices et auteurs − dont certains ont été tués par les bombes (...)

Patrick Morier-Genoud