Si les optimistes vous dépriment lisez plutôt les clairvoyants!

Publié le 2 décembre 2022
Au dam de celles et ceux qui «positivent» à tout crin, quitte à se masquer la réalité, certains auteurs, et parfois des plus pessimistes, ont la vertu paradoxale de nous tonifier, tels un Shakespeare, un Pascal, un Leopardi ou un Schopenhauer, dont un certain Challemel-Lacour, académicien lettré et ministre momentané de Jaurès, a tracé les portraits dans un livre vif de style et roboratif au possible.

En mémoire de Roland Jaccard (1941-2021)

Vous je vous vois, gentils et un peu naïfs, qui aimez comme moi la vie et les gens, qui prenez les choses du bon côté, comme on dit, qui aimez aller de l’avant, jeunes filles en fleurs ou cheffes de projets décidées, jeunes ou moins jeunes battants de la société qui n’en finissez pas de positiver, vous qui avez choisi de ne voir jamais que la moitié du verre plein, vous incarnez l’optimisme et l’avenir radieux, ou du moins le croyez-vous, mais est-ce si sûr? Ne vous bercez vous pas d’illusions? Votre allant les yeux fermés n’est-il pas que fuite en avant? Votre optimisme n’est-il pas qu’aveuglement?
C’est en tout cas ce que pensent certains, plus ou moins intempestifs. Après Schopenhauer, c’était l’opinion d’un Cioran, dont notre ami Roland Jaccard était le disciple déclaré, et telle était aussi la position du pessimiste le plus radical que représentait le philosophe Albert Caraco. Mais pas besoin d’être excessif pour se demander ce que signifie un optimisme aveuglé…
Prenez le cher André Comte-Sponville, par exemple: pas moins fanatisé que cet honnête commentateur de la philosophie de tous les temps, auteur d’un très éclairant Dictionnaire amoureux de Montaigne, et qui écrit posément ceci: «Les pessimistes m’amusent, par l’exagération, l’esprit de système, la mauvaise foi. Que ne sont-ils déjà morts? C’est tout à fait en leur pouvoir, leur objectait Epicure, si la vie leur déplaît à ce point. Mais voilà: ils prennent trop de plaisir à en dire du mal pour se décider à y mettre fin!» 
Et plus loin, s’agissant alors des optimistes: «Puis-je l’avouer? Ils me donnent vite le cafard, par trop de bonheur promis ou prétendu, voire m’écœurent par trop de sucre. Les pessimistes, c’est l’inverse, ils ne donnent envie de vivre, de penser, d...

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