Quand Staline affamait l’Ukraine

Publié le 24 février 2023
Un documentaire revient sur le Holodomor, la famine ayant ravagé l’Ukraine en 1932-1933, au cours de laquelle 4 millions de personnes sont mortes. Sobre et pédagogique, le film montre l’affrontement inégal entre velléités d’indépendance ukrainiennes et violence politique de la part des Soviétiques. Il se construit autour de l’opposition entre discours de propagande et réalité journalistique, une dichotomie qui interroge toujours, une année après le début de la guerre.

«Pourquoi Staline laisserait-il mourir de faim des citoyens soviétiques?»
En mars 1933, le journaliste gallois Gareth Jones, ancien conseiller aux affaires étrangères auprès de Lloyd George, arrive à Moscou, cette question à l’esprit. L’URSS semble en plein élan économique. La propagande bolchévique vante les effets et les ambitions de la révolution: «la machine prendra la place de Dieu»; «le nouveau triomphe sur l’ancien»; le communisme «construit un Etat puissant et prospère où chacun pourra être heureux et manger à sa faim».
Jones découvre pourtant Moscou «dans un état déplorable». «Partout je vois des foules de gens très pâles et malades». Les images qui illustrent les écrits de Gareth Jones, tirés de ses articles et de sa correspondance personnelle, sont issues d’archives et le plus souvent de films de fiction, un choix qui pallie le manque d'images d'époque. On y voit des hommes vêtus de gros manteaux en peau de mouton, le visage barbu et dévoré par la faim. Certains sont amputés d’une ou des deux jambes, d’autres vont pieds nus. Ils sont Ukrainiens, disent-ils à Jones, et d’où ils viennent, «хлеба - нет», pas de pain.
En dépit des risques, le journaliste prend un train «en bois, sombre et puant» pour Kharkov, alors capitale de la RSS d’Ukraine. Il quitte Moscou, ville Potemkine où sont confinés les journalistes étrangers, bercés de mensonges d’Etat dans le luxe des palais et des fêtes à l’hôtel Metropol. Dans le train, dans les villages, les habitants racontent tous la faim, la mort silencieuse, la peur des espions de la police politique. Ces images de la plaine ukrainienne mortellement déserte ont été reconstituées par Agnieszka Holland, dans le film A l’ombre de Staline inspiré du reportage de Gareth Jones. Le documentaire de Guillaume Ribot, lui, prend le part...

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