Pourquoi j’ai fermé ma galerie d’art

Publié le 26 mai 2023
J'ai enfin décidé de fermer ma petite galerie de la rue Krunska, au centre de Belgrade. J'y avais organisé des vernissages couronnés d'un indéniable succès, réunissant tout ce qui compte dans la ville. J'y avais diverti des collectionneurs, des conservateurs et des critiques de renommée mondiale. Uli Sigg, l'un des collectionneurs les plus respectés de la planète, a même pris l'avion depuis la Suisse pour honorer à jamais mon humble boutique. Mais les dieux du marché de l'art ont fait leurs bagages et ont déménagé.

Il était temps pour moi de leur emboîter le pas. De nombreuses raisons justifiaient cette décision, à laquelle je songeais dès le début. Dès le premier jour même.
Le soir du premier vernissage de ma première galerie, je suis rentré chez moi dans un état de dépression totale. C'était en mai 2017. L'espace était un ancien entrepôt de plus de 100 mètres carrés de sol en béton, au bord du Danube, avec de hauts murs blancs et cette touche post-industrielle qui met les amateurs d'art en transe. Ce premier vernissage avait pourtant été un succès retentissant, peut-être même le plus réussi que la ville ait jamais connu. Plus de 600 personnes avaient fait le déplacement, ministres, princes, hommes d'affaires, collectionneurs, les plus belles femmes de la ville, ce qui à Belgrade n'est pas un euphémisme. Toute la soirée, j'avais été interviewés par tous les médias. En une seule soirée, j'avais réussi l'impossible: mettre mon nom sur la carte. Pourtant, vers 23 heures, lorsque je suis rentré chez moi, une anxieuse frustration m'avait envahi. Sur les 600 personnes présentes, dont certaines trônaient au sommet de fortunes considérables, aucune n'avait même demandé le prix des œuvres exposées. Mon instinct me murmurait que j'avais ouvert ma galerie au pire moment possible. J'avais lancé un nouveau Blackberry juste au moment de la sortie de l'iPhone. Ce modèle économique, qui existait sous cette forme depuis quelques décennies, montrait déjà des signes alarmants de déliquescence. Et ce soir-là j'ai compris, comme je le craignais déjà, que j'étais condamné à tenir un commerce avec la certitude statistique que je perdrais de l'argent.
Mais je n'ai pas perdu espoir tout de suite. Quelques semaines après l'ouverture, j'ai vendu quelques grands formats, ce qui m'a hélas redonné du courage....

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