Olivier Meuwly: «Troxler incarne le versant romantique du radicalisme»

Publié le 24 février 2021

Presque deux siècles après Troxler, nous constatons plus que jamais que la démocratie est vivante et que la Constitution peut, doit, toujours être discutée, entre autres choses. Le Palais fédéral en 1852. – Bibliothèque nationale Suisse

Dans la nouvelle et belle collection «Presto» des Editions InFolio, collection mettant en lumière des personnages ou thèmes suisses, l’historien Olivier Meuwly consacre une biographie politique à un homme du XIXe siècle du même parti que lui: le radical Ignaz Troxler (1780-1866). Peu connu de notre côté de la Sarine, ce médecin, philosophe et pédagogue natif de Lucerne a beaucoup de choses à nous dire sur la société d’aujourd’hui selon l’historien, qui nous en dit un peu plus dans cet entretien.

Bon pour la tête: De quand date votre rencontre intellectuelle avec Troxler?

Olivier Meuwly: Je m’intéresse à lui depuis longtemps. Quand j’avais travaillé sur l’avocat et homme politique Henri Druey, Troxler était incontournable. Ces deux penseurs radicaux du XIXe siècle sont à la fois très proches et très contradictoires. De même, Troxler est peu connu sous nos latitudes. En Suisse allemande, au contraire, il est thématisé dans certains travaux depuis quelque temps. Je l’ai ainsi toujours gardé à l’œil. Et quand j’ai sorti un livre dans la collection «Petit savoir suisse» en 2007 sur les penseurs politiques suisses, j’ai accordé un chapitre à Troxler. Je l’avais également intégré assez rapidement dans ma perspective de réflexion sur le rationalisme et le romantisme comme sources du libéralisme et du radicalisme qui se sont construits en Suisse. Troxler est fascinant parce qu’il incarne le versant romantique du radicalisme.

L’une des manifestations concrètes de ce «radicalisme romantique» que nous voyons encore aujourd’hui, c’est la présence d’une chambre des cantons, à savoir le Conseil des Etats, au sein de nos institutions. Expliquez-nous pourquoi et dites-nous dans quelle mesure Troxler a, selon vous, rendu possible sa création.

Le dispositif intellectuel qui sous-tend le mouvement radical et qui se met en place pour donner lieu à la Suisse moderne de 1848 est un dépassement hégélien du lien entre les Lumières proprement dites et le romantisme. Druey incarne et assume ce prolongement d’un héritage rationaliste, que d’autres avoueront seulement de manière indirecte. Or, c’est grâce à un...

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