Publié le 10 décembre 2021
On s’y fait. Ou pas. Sur quelques sujets, pas seulement sur le trop célèbre virus, les médias dominants donnent une même version, dans une même tonalité. La photographie en noir et blanc est d’une infinie subtilité. Mais voir le monde en noir et blanc, c’est d’une platitude affligeante.

Prenez le cas de l’Ukraine et de la Russie. Hauts cris! Les Russes font de grandes manœuvres à cette frontière, sur leur territoire. Et les pontes de l’OTAN hurlent à l’épouvantable menace d’une invasion vers l’ouest. Assez piquant si l’on songe que les Américains, eux, et diverses armées européennes, s’amusent à taquiner depuis les airs les abords de la Russie en Mer noire. Des troupes américaines se sont déployées avec leurs armements lourds en Pologne, notamment à la frontière de l’enclave russe de Kaliningrad. Les USA ont des bases militaires dans le monde entier. Et il faudrait s’affoler parce que Poutine fait joujou chez lui avec ses troupes? Ce qu’il ne dit pas, c’est que son armée est certes bien équipée et formée, mais en comparaison internationale, pas si impressionnante. Son budget militaire (51 milliards de dollars) est à peine plus élevé que celui de la France (41 milliards), celui des Etats-Unis est de 693 milliards. Dès lors, pour rester dans la cour des grands, il montre ses muscles.

La guerre en Ukraine, entre le pouvoir central et les pseudo-républiques dissidentes du Donbass, à Louhansk et Donetsk, est sans doute meurtrière, absurde et désespérante. Mais là encore, évitons le noir et blanc. Le gouvernement de Kiev, sous l’influence des hyper-nationalistes et des échauffés occidentaux, brime depuis des années la population russophone, restreint ses médias, la désigne comme un pan subversif de la nation. De l’autre côté, des chefs rebelles montent dans les tours et tirent sur l’armée ukrainienne qui riposte à son tour ou prend parfois l’offensive. Ces républiques autoproclamées sont certes armées par la Russie qui envoie aussi sur place des «conseillers». Leurs leaders qui s’entredéchirent d’ailleurs entre eux sont des «bas de plafond» qui bien sûr ne consultent pas démocratiquement la population. On peut cependant estimer que celle-ci ne souhaite pas le rattachement à la grande voisine mais tient à ses particularités. Reconnaître que «les tensions» actuelles tiennent autant à la politique intérieure ukrainienne qu’au voisinage russe ne serait pas sot.

Seul réconfort du moment: MM. Biden et Poutine semblent prendre plaisir à palabrer entre eux. Seul espoir: la réactivation effective des accords de Minsk (2014), foulés aux pieds par les prétendus héros occidentaux de Kiev, méprisés aussi par les rebelles du Dombass. Mais là, c’est aux Européens qui ont concocté ce plan de paix de passer à l’action. Ils tardent. Paralysés par leurs divisions, leurs soucis internes et leur écoute docile des clameurs otanesques.

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