Niall Ferguson: «La Suisse tirera profit de sa neutralité à l’avenir»

Publié le 15 septembre 2023
Le «Tagesanzeiger» a rencontré l’historien britannique et auteur de plusieurs best-sellers Niall Ferguson à Zurich. Le titre de l’article donne le ton: «Les USA, avec leur direction sénile, me font penser à l’Union soviétique au stade final». Et pour finir il loue la neutralité helvétique.

Ce qui retient le plus l’attention, pour lui, c’est la nouvelle guerre froide entre «l’Occident» et la Chine. Pas comparable avec la précédente: les USA ont des liens économiques infiniment plus forts avec la Chine qu’ils n’en avaient avec l’URSS. «Quand on se sépare, ça peut faire mal.»

Les risques? Ils sont grands aussi au regard des nouvelles armes disponibles: biologiques, informatiques, l’intelligence artificielle… Mais l’économie chinoise ne se porte pas bien, lui objecte-t-on. «Une Chine affaiblie pourrait mener une politique étrangère d’autant plus agressive.»

Alors? «Je plaide pour une détente, dans l’esprit des années 70. Cela ne veut pas dire l’apaisement, croire tout ce que les Chinois nous disent, mais parler avec eux, pas seulement des sujets que nous préférons.» Leçon de patience? «Pékin connaîtra un jour des changements, parce qu’un parti unique n’est pas tenable à la longue.»

Quel conseil à la Suisse? «La Suisse a connu le succès pendant la guerre froide. Le mouvement des non-alignés était alors petit. Dans la nouvelle guerre froide, ce mouvement sera en revanche important. De nombreux pays essaient de ne pas prendre parti, comme au Proche-Orient. En Allemagne aussi, il y a une forte tendance à être non-aligné, mais c’est difficile parce qu’on compte sur les Etats-Unis pour la défense. Les Suisses n’ont pas à s’inquiéter de cela, ils ne dépendent pas autant des Etats-Unis que les Allemands. La Suisse est bien positionnée; la guerre froide est une bonne nouvelle pour le pays. Le franc en profitera, les actifs suisses serviront de couverture contre les dangers dans d’autres parties du monde. Sur la liste des bénéficiaires, la Suisse devrait être en tête de liste.»

Un nouveau rôle donc pour les neutres? «Oui, même un plus grand. Parce que la Chine est moins redoutable que ne l’était l’Union soviétique, il est plus difficile pour les Etats-Unis de mobiliser une large alliance contre la Chine et d’amener les Européens à s’engager dans un conflit pour Taïwan. De nombreux pays d’Europe, d’Asie et d’Amérique latine ne prendront pas parti.»


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