Publié le 29 novembre 2024
Son simple nom suscite des réactions épidermiques chez les uns mais ne dira sans doute plus rien aux autres. D'où l'intérêt de ce «Leni Riefenstahl – la lumière et les ombres», documentaire exemplaire signé Andres Veiel, qui récapitule à travers un magnifique travail sur archives le parcours de «la cinéaste d'Hitler». Un film captivant, qui se garde de démoniser cette pionnière tout en pointant ses failles.

Ose-t-on classer les documentaires et affirmer qu'il s'agit là d'une réussite majeure? Dans un genre sur lequel la critique a peu de prise tant le sujet tend à primer, il faut pourtant bien reconnaître que la méthode, la sensibilité, l'art narratif et la profondeur intellectuelle du l'auteur(e) peuvent faire la différence. Et il n'en fallait pas moins pour s'attaquer à un sujet tel que Leni Riefenstahl, déjà documenté une bonne vingtaine de fois pour la télévision, notamment dans un mémorable Leni Riefenstahl - Le Pouvoir des images (Ray Müller, 1993). Trois décennies plus tard, avec cette fois un accès illimité aux archives personnelles de la dame, décédée en 2003 à l'âge de 101 ans, Andres Veiel n'a pas tremblé. Pour le grand écran, après ses déjà mémorables Black Box BRD (2001) et Beuys (2017), il a signé un sobrement intitulé Riefenstahl, présenté hors compétition à la dernière Mostra de Venise plutôt qu'à la Berlinale.
A l'heure du retour en grâce du nazisme chez certains jusqu'en Allemagne, d'une possible apologie féministe chez d'autres, c'était sans doute plus sage pour ce film qui réexamine le cas de cette figure hautement controversée, artiste de grand talent mais qui a failli humainement. Qu'ils semblent lointains, ses anciens triomphes à la Mostra fasciste des années 1930! Depuis, on n'ose quasiment plus montrer ses documentaires de propagande nazie Le Triomphe de la volonté (1935) et Les Dieux du stade (Olympia, 1938) et, côté fictions, son superbe début La Lumière bleue (1932) ou son dernier opus compromis Tiefland (1944/1954). Aujourd'hui, ne reste plus guère de Leni Riefenstahl que sa réputation de cinéaste officielle du IIIe Reich, qui paya pour tous les autres par une mise à l'écart définitive (même Veit Harlan, l'auteur du tristement fameux Juif Süss,...

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