Le troisième référendum contre la loi Covid est lancé

Publié le 17 février 2023
Lors de la session d'hiver, le Parlement a modifié la loi Covid pour la cinquième fois déjà. La plupart des dispositions arrivant à échéance à la fin de l'année, le Conseil fédéral a demandé une prolongation de certains articles de la loi jusqu'à fin juin 2024. Il s'agit notamment du certificat Covid et de l'application SwissCovid, auxquels la Confédération veut pouvoir recourir en cas de besoin. L’opposition civile avait déjà annoncé l’été dernier son intention de lancer un référendum. Chose faite, la récolte des signatures est en cours. Décryptage par la figure romande du référendum, Michelle Cailler.

Le nom de Michelle Cailler est connu. Et pas seulement par son nom de famille «chocolatier». En cherchant sur Google, on fait quelques trouvailles: juriste, femme entrepreneuse, coaching et développement, Virus de la Liberté, Amis de la Constitution, présidente du MFR (Mouvement Fédératif Romand). Une femme aux multiples casquettes, engagée et de plus en plus bruyante. Depuis le dernier referendum sur la loi Covid, elle est le visage de la Suisse romande et siège aujourd’hui dans le comité du troisième référendum. Je l’ai rencontrée autour d’un café et j’ai cherché à savoir pourquoi la Suisse va devoir se prononcer, si la récolte des signatures aboutit, pour une troisième fois sur la loi Covid.

Michelle Cailler explique de manière réfléchie et concentrée que cela fait trois ans que le gouvernement a mis toute la Suisse en semi-confinement: tout ce qui n’est pas été «vital à la vie» a été fermé. Une loi d’urgence (entérinant l’état d’urgence déclaré en mars 2020 via la clause générale de police) a été mise en place, laquelle est soutenue et prolongée régulièrement par le Parlement. Elle s’insurge contre le fait qu’avec cette prolongation, le Conseil fédéral puisse «à nouveau ordonner à tout moment des tests à grande échelle et des restrictions d’accès et ceci sans preuve de nécessité et sans possibilité de correction judiciaire». L’«application de surveillance» fait également l’objet de critiques. Les méthodes se sont avérées «non scientifiques, inefficaces et nuisibles» et elles menacent «l’ordre constitutionnel de la Suisse».

Elle revient sur les trois dernières années et son engagement. Fin 2020, elle a rejoint les Amis de la Constitution (AdC), créé en avril 2020 par un mouvement citoyen (lire ici), contestant les mesures et la loi Covid. Peu après, elle a co-fondé avec d’autres juristes l’association Le Virus des Libertés pour apporter des conseils juridiques aux questions liées à la crise.

Après que le Parlement a approuvé une loi qui couvrait un large éventail de mesures dans le but de donner une base légale prolongée jusqu’à fin 2021, AdC a lancé le premier référendum. Il faut savoir qu’à ce moment-là, la loi d’urgence dans son intégralité était sur la sellette. L’attention du camp du oui a été exclusivement portée sur l’indemnisation du manque à gagner pour toutes les entreprises et institutions fermées. Le fait qu’il y ait eu une proposition de Primin Schwander (UDC), qui demandait en même temps que la question financière soit retirée des lois Covid, est passé inaperçu dans le tohu-bohu des partisans. Le référendum a été rejeté par 1’279’802 oui contre 1’939’313 non. Petit rappel: pendant la campagne, dans un climat de peur et de désorientation parmi les citoyens, une loi a également été adoptée, qui est encore aujourd’hui vivement critiquée: la MPT. Une disposition qui donne aux forces de police le droit d’agir préventivement contre les personnes soupçonnées de terrorisme.

Le deuxième référendum est lancé après que le parlement avait apporté, en mars 2021, des modifications à la loi Covid qui donnaient la base légale pour le certificat, le traçage des contacts et tests. Le collectif Réseau choix vaccinal, avec Daniel Trappitsch en tête, a initié le texte référendaire. Il critiquait notamment le certificat Covid qui, avec son introduction, menaçait des libertés et créait une société à deux vitesses: ceux qui ne se font pas vacciner seraient privés de leurs droits fondamentaux. Très vite, AdC se joint à la récolte des signatures, tout en s’opposant également à cet article de la loi qui dispose que le Conseil fédéral fixe les critères et les valeurs de référence pour les restrictions et les facilités de la vie économique et sociale. Durant la campagne, les chiffres témoignaient d’une montée des infections en flèche et la vaccination battait son plein avec les centres de vaccination établis dans tout le pays. Souvenons-nous qu’à ce moment, le gouvernement expliquait que le vaccin empêchait la transmission du virus, chose non démontrée aujourd’hui et début novembre, il avait lancé «la semaine du vaccin» à 100 millions de francs. 

Le peuple a tranché en faveur de l’extension de loi, avec 1’361’284 de non contre 2’222’373.

Une année après le deuxième référendum, nous voilà probablement devant le troisième. Le 16 décembre dernier, au Parlement, il a été discuté des dispositions qui arrivaient à échéance à la fin de 2022. Le Conseil fédéral a demandé une prolongation ponctuelle de certaines dispositions de la loi jusqu’à fin juin 2024. Il s’agit par exemple du certificat Covid et de l’application SwissCovid, auxquels la Confédération veut pouvoir recourir en cas de besoin. Le groupe Massvoll, en collaboration avec AdC et d’autres organisations, dont le Mouvement fédératif pour la Suisse romande s’y opposent. Ils veulent à nouveau soumettre la loi Covid aux urnes. Ils estiment que le gouvernement fédéral, qui a lui-même déclaré que la pandémie était terminée tout en levant toutes les mesures, n’a donc aucun sens de prolonger les parties de la loi Covid qui ont expiré. Il n’existe définitivement aucun argument raisonnable pour justifier une intervention aussi massive dans les droits fondamentaux et continuer à dépenser de l’argent public inutilement. Michelle Cailler souligne que le certificat et le traçage violent les droits fondamentaux et que pour assurer la protection de la population contre les agents pathogènes, la loi actuelle sur les épidémies est largement suffisante.

Michelle Cailler conclut avec le constat que les citoyens doivent se politiser, rester vigilants et utiliser tous les moyens légaux pour exprimer leurs mécontentements. Elle souligne que dans cette loi Covid, l’article 1 continuera à exister jusqu’à la fin 2031. Seul le Parlement a la possibilité légale de l’abroger. Voilà une question importante à poser aux candidats pour les prochaines élections parlementaires qui se tiennent cet automne.


Pour en savoir plus:

https://www.mouvement-federatif-romand.ch/

https://mesures-non.ch/

https://www.abrogationloicovid.ch/

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