Le poids du silence ou des réponses qui brûlent les doigts

Publié le 27 septembre 2019

Sophie Meyer © Bon pour la tête 2019 / Sabine Dormond

Dans «Les cahiers de feu» paru fin 2018 aux éditions Montsalvens, Sophie Meyer s’attaque au secret qui pèse sur un drame familial. C’est le récit autobiographique d’une femme qui décide, plus de trente ans après les faits, d’essayer de comprendre le suicide de son frère. Et de retrouver son journal intime. Sur la base d’une rumeur, la narratrice se convainc que le geste de son frère s’explique par une homosexualité non assumée. Cette piste l’éclaire surtout sur sa propre histoire, sur la manière dont elle a intégré les tabous et refoulé ses désirs sans véritablement prendre conscience de sa souffrance. Interview.

Elle crée aussi, a posteriori, une complicité avec ce frère dont elle n’a jamais été proche. L’étonnant dans cette «enquête», c’est que la narratrice se heurte surtout à ses propres blocages et amnésies, comme si une part d’elle-même n’était pas prête à découvrir la vérité. Elle s’aperçoit en tout cas qu’elle a longtemps occulté des informations dont elle avait pourtant eu connaissance.

BPLT: Faut-il considérer ce livre comme un roman ou une autofiction?

Sophie Meyer: J’ai souhaité qu’on ajoute roman, même si c’est très largement autobiographique, parce qu’il n’y a pas d’engagement à n’écrire que la vérité. J’avais l’envie ou le besoin de pouvoir prendre certaines libertés, comme changer les noms des gens que j’évoque. C’est aussi un roman par sa construction.

Est-ce que la vérité se manifeste quand on est prêt à l’entendre?

La narratrice se met en quête avec ce que ça implique, les chausse-trappes, les fausses pistes, les nœuds de résistance intérieurs. Dans cette histoire, il y avait des choses évidentes à faire qu’elle repousse, comme questionner ses parents, vérifier la rumeur selon laquelle son frère était gay, au lieu de le prendre immédiatement comme une vérité.

Pourquoi votre narratrice a-t-elle besoin de savoir ce qui est arrivé à son frère pour poursuivre son propre chemin de vie?

La narratrice s’identifie beaucoup à son frère, à son destin. En parlant de lui, elle parle aussi d’elle-même. En enquêtant sur le secret de...

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