La pagaille des trains allemands

Qui voyage par le rail outre-Rhin doit le savoir: planifier le parcours, réserver sa place, c’est bien, mais le risque est grand que rien ne se passe comme prévu. Vous pensiez embarquer à Zurich ou Bâle dans le convoi allemand comme prévu sur l’horaire? La liaison est souvent annulée. Il s’agira de jongler avec les correspondances, si ce n’est entre Basel SBB et Basel Bad BF. Vous pensiez prendre le dernier train à l’arrivée d’Allemagne pour rentrer chez vous tard le soir ailleurs en Suisse? Vous risquez de passer la nuit dans une gare. L’explication? Manque de personnel, matériel vieillissant, fragilité du réseau. Les mécontents accusent les gouvernements de ces dernières années d’avoir négligé les investissements nécessaires. Et aucun plan de redressement n’est programmé.
Cet été, ce fut particulièrement chaotique en raison d’un énorme afflux de voyageurs profitant de l’offre dite des 9 euros. Pour cette somme, il est possible (jusqu’au 31 août) de circuler librement, dans toute l’Allemagne, sur les lignes régionales et locales, dans les bus et les métros. Mais attention: ce n’est pas valable sur les grandes lignes type ICE. Quelque 26 millions de personnes en ont profité! Plus d’un Allemand sur trois. La Deutsche Bahn envisage des offres semblables, probablement un plus chères, pour l’automne.
Ce qui frappe, dans la pagaille, c’est la sérénité des voyageurs. Ils râlent peu. Ils prennent leur mal en patience. Pas très contents bien sûr quand ils se font débarquer d’un train bondé, quand on leur refuse leur vélo faute de place… mais ça passe. Sans remous politiques, sans manifs, sans éclats exagérés sur les réseaux sociaux. Question de tempérament? Ou effet du dressage covidien? Quand on a accepté gentiment les précautions sanitaires, on reste plus facilement dans la soumission civique.
On n’ose imaginer ce que ces désagréments susciteraient en France! Pour le Suisse qui s’aventure sur ces voies, le choc est rude. Des retards, il y en a aussi chez nous, mais pas à cette échelle. En plus, à la différence des CFF, le masque est exigé. S’il tombe sous le nez, des policiers, des vrais, peuvent vous rappeler à l’ordre. Quant au personnel, il est souvent peu informé des changements de quais, de gares et d’horaires. Il faut s’habituer à la réponse: «Weissichnich».
Le personnel de bord? Très variable. J’ai entendu un serveur, dans un wagon-restaurant bondé, avec des gens debout dans le couloir, dire: «Vous pouvez consommer mais ce n’est pas obligatoire.» Un autre, moins aimable, proposait des boissons. Un audacieux a osé demander: «et on peut manger quelque chose?» Réponse: «J’ai proposé des boissons, pas autre chose!»
Bref, une autre façon de voyager. Un journaliste du Tagesanzeiger va même jusqu’à écrire: «Hanovre, c’est le triangle des Bermudes de la Deutsche Bahn. On sait quand on arrive mais en repartir, c’est très incertain. J’ai raté toutes les correspondances prévues.» Après tout, le voyage, c’est aussi l’apprentissage de l’imprévu.
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