La Columbia porte haut la flamme de la cinéphilie

Publié le 30 août 2024
La rétrospective du festival de Locarno dédiée à la compagnie centenaire a bien rempli son contrat. On y a découvert nombre de films méconnus réalisés entre 1929 et 1959, entourant quelques grands classiques hissés plus haut que jamais – ces derniers bientôt reproposés à la Cinémathèque. Une belle façon de revisiter l'âge d'or hollywoodien, en faisant la part entre politique de studio et apport des réalisateurs.

Hors d'une cinéphilie dite «auteuriste» et d'études universitaires strictement historiques, point de salut? La rétrospective «La dame à la torche» du festival de Locarno a tenté l'impossible: réconcilier ces deux approches antagonistes. Grâce à son jeune curateur Ehsan Khoshbackht, un Iranien établi à Londres et arrivé après ces querelles, le pari aura été largement remporté, en proposant une quarantaine de titres choisis, dûment mis en perspective par des introductions ainsi qu'un excellent ouvrage composé de textes inédits. Le tout dans l'esprit qui préside au festival «Il cinema ritrovato» de Bologne, consacré au cinéma de patrimoine et dont Khoshbackht est l'un des programmateurs. Bref, on a beaucoup apprécié ce qui ne s'annonçait pourtant pas sous les meilleurs auspices: une rétrospective de circonstance dont l'ensemble des copies, neuves mais sans sous-titres, venaient directement des archives Sony-Columbia en Californie.
La période explorée était celle correspondant au règne du fameux Harry Cohn (1891-1958), fondateur et «dictateur» de Columbia Pictures pendant que son frère Jack dirigeait le côté financier des opérations à New York. Vulgaire et brutal selon tous les témoignages, Cohn était aussi un homme d'affaires avisé en quête de respectabilité, qui parvint en trois décennies à hisser sa petite compagnie au rang de major hollywoodienne, tutoyant les bien nées Paramount, MGM, Warner ou 20th Century Fox. Sa tactique? Trois quarts de séries B contre un quart de séries A, pas de chaîne de salles propre, des contrats de plus courte durée et non exclusifs permettant d'employer également du personnel emprunté aux concurrents. Et dès les années 1950, une collaboration soutenue avec des indépendants, sur le modèle de United Artists. Sur les quelques 1'600 longs-métrag...

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