L’UE entre désarroi et fuite en avant

Le succès des formations nationalistes, qualifiées un peu hâtivement d’extrême droite, fort diverses en fait, se nourrit d’abord des craintes que suscite l’immigration. Mais pas seulement. Partout, l’inflation, l’accumulation des charges, fiscales aussi, sur les ménages, l’emballement des dépenses militaires, la récession économique dans plusieurs pays, tout cela multiplie les peurs. Qui virent à la colère. Sans parler de l’irritation provoquée par une Commission européenne qui prétend tout réglementer jusque dans les broutilles… ou jusque dans la liberté d’expression. Sans parler d’une politique dite verte qui multiplie les interdictions et les mesures coûteuses pour les particuliers. En Hollande des centaines d’agriculteurs, après des mois de protestations et manifestations dont on a trop peu parlé, ont dû finalement vendre leurs exploitations jugées non conformes. La colère paysanne a aussi nourri le succès de l’extrémiste Geert Wilders.
La présidente Ursula van der Leyen est pour beaucoup dans la profonde rogne. Elle pose, outrepassant son mandat, comme la cheffe des Européens. N’a-t-elle pas osé diffuser une vidéo où on la voit nous expliquer comment se laver les mains pour se prémunir du méchant virus et économiser l’eau? Plus sérieusement, elle continue de se moquer des opinions publiques et du Parlement européen en refusant de révéler les contrats faramineux d’achats de vaccins Pfizer qu’elle a négociés en douce, en tête-à-tête, via SMS. Elle ne cesse de préconiser l’alignement total sur les Etats-Unis. Alors que ceux-ci attirent les entreprises européennes en les couvrant de subventions, au mépris total des règles du commerce international. Alors que les sanctions anti-russes qu’ils ont exigées, reprises aveuglément, s’avèrent sans guère d’effets sur «l’ennemi», mais terriblement préjudiciables pour nos pays. Ceux-ci se voient d’ailleurs contraints de trouver toutes les combines pour les contourner.
Et voilà que la dame, suivie de ses dociles commissaires, vient d’annoncer un plan pour accélérer l’adhésion de l’Ukraine. Elle juge que 90% des mesures pour la rendre en phase avec le système communautaire ont été réalisées. Enorme mensonge. Ce malheureux pays reste rongé jusqu’à la moelle par la corruption en dépit de quelques coups donnés ici et là pour la galerie. Les élections présidentielles y ont été reportées sine die. Les partis restent aux mains des oligarques même si ceux-ci se font plus discrets. Les russophones et les minorités linguistiques se heurtent encore aux brimades. La liberté des médias reste très restreinte. La réforme de la justice est dans les limbes. Le droit du travail est suspendu, au grand profit des employeurs. Les formations et personnalités ultra-nationalistes, héritières des complices historiques du nazisme, sont honorées et très présentes dans les rouages du pouvoir et de l’armée. Tout cela est incompatible avec le B-A-BA de l’Union.
En attendant, une pluie de milliards devrait tomber sur l’Ukraine. Elle a reçu à ce jour 82 milliards de l’UE et des pays membres. Pour la période 2024-2027 il est prévu 50 milliards de prêts et de dons, en plus de ceux de la Banque européenne d’investissements, pour le budget de fonctionnement de l’Etat. Par ailleurs, les Etats membres consacrent près de 10 milliards d’euros aux livraisons d’armes sur leurs fonds propres, selon la Commission européenne. Les 27 se prononceront sur ces programmes à la mi-décembre. Pour l’heure, seule la Hongrie manifeste son opposition. Les autres veulent aller vite… avant que les gouvernements nationalistes ne s’installent et renâclent.
L’Ukraine a besoin d’aides. Personne ne le nie. Les Etats européens, Suisse comprise, se montrent d’ailleurs très généreux dans l’accueil des réfugiés, qui a aussi son prix. Mais les charitables contribuables ouest-européens ont droit à de sérieuses garanties sur l’emploi des colossaux versements à l’administration de Kiev. Ces garanties n’existent pas. Une part non négligeable de l’économie ukrainienne, malgré les coups qu’elle a subis, fonctionne encore. Mais les bénéfices des grandes sociétés exportatrices filent vers les paradis fiscaux. Les problèmes s’accumulent. La concurrence des produits agricoles ukrainiens, non soumis aux normes qualitatives et sociales de l’UE, mettent les paysans européens hors d’eux. Les producteurs de poulets français aussi! La frontière avec la Pologne est bloquée, ces jours, par les camionneurs polonais concurrencés par leurs collègues ukrainiens qui travaillent librement chez le voisin à bas coûts, n’étant eux non plus soumis à aucune norme sociale européenne.
La solidarité ne passe pas par la complaisance.
L’alignement systématique de Mme van der Leyen et consorts sur le gouvernement ukrainien, l’encouragement aveugle à la poursuite de la guerre à coups de livraisons d’armes ruineuses résultent d’une hybris nuisible aux intérêts des Européens. Ceux-ci ne l’accepteront pas longtemps encore.
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