Publié le 24 septembre 2021
La claque infligée à la France par les Etats-Unis, l’Australie et la Grande-Bretagne avec la rupture brutale du contrat sur les sous-marins laisse les Suisses indifférents. Certains sourient même sous cape. Ils ont tort. Ils feraient bien de tirer quelques enseignements de ce clash retentissant.

D’un jour à l’autre, sans aucune information préalable, le gouvernement australien a jeté à la corbeille la commande de douze sous-marins armés, passée en 2016. Préférant des bâtiments nucléaires américains. Sur fond de tensions entre la Chine et les USA. Quelles que soient les raisons stratégiques invoquées, la manière de faire constitue un scandale diplomatique. 

C’est une sérieuse leçon pour la Suisse qui s’apprête à acheter des chasseurs-bombardiers américains FA-35. L’ingénue conseillère fédérale Viola Amherd jure ses grands dieux que le contrat est béton, notamment sur le prix, d’ailleurs déjà annoncé à la hausse en raison de l’inflation. D’autres mauvaises surprises surviendront. Selon le bon-vouloir de Washington.

La Suisse ancre sa défense dans l’OTAN

Le président Biden se répand en belles phrases sur son projet mondial mené avec «ses alliés et partenaires». Termes inadéquats. Les Etats-Unis n’ont que des vassaux. Volontaires certes, mais soumis de fait à l’autorité de la grande puissance. Celle-ci se réserve le droit de contrôler l’usage de tous les équipements militaires livrés à ses prétendus «alliés et partenaires».

Autrement dit, avec cet achat d’avions, la Suisse ancre sa défense dans l’OTAN, sous la houlette des Etats-Unis. La France, avec ses Rafales, eût été un partenaire moins intrusif, plus proche géographiquement et politiquement. 

Pour atténuer la fâcherie avec Paris, où le président de la Confédération n’est plus invité à parader auprès de Macron comme il le souhaitait, après le Conseil des Etats, le Conseil national vient de prendre une décision sage. Un accord sera signé avec la France pour l’utilisation des images de ses satellites d’observation militaire, la Suisse n’étant évidemment pas en mesure d’en mettre un propre sur orbite. En cas de conflit, regarder ce qui se passe au-delà de nos frontières est bien sûr essentiel. Coût: 82 millions. Trop pour quelques parlementaires, à gauche surtout, qui par ailleurs jonglent sans états d’âme avec les milliards pour la défense… sanitaire.

Cerise sur le gâteau de la servilité

Notre politique internationale n’a ni queue ni tête. D’un côté la Suisse envoie une malheureuse diplomate à Bruxelles où elle multiplie des parlottes de salon dans l’espoir de renouer le fil rompu par le rejet abrupt de l’accord-cadre négocié pendant sept ans. De l’autre la Confédération se met de facto dans le camp des vassaux de l’Amérique non seulement avec des avions d’ailleurs peu adaptés à nos besoins, mais aussi en acceptant sans broncher que les banques helvétiques doivent appliquer les sanctions décrétées tous azimuts par les Etats-Unis. Et la cerise sur le gâteau de la servilité: le Conseil fédéral tient mordicus, il vient de le confirmer, à confier toutes ses données à quelque géant de la Silicon Valley. A moins que ce soit aux Chinois!

Ce gouvernement, le plus faible que la Suisse ait connu depuis des décennies, flotte dans une vision myope et erratique. Les dégâts ne se voient pas encore. Ils ne tarderont pas. A lire par exemple les propos, cités dans cette édition, du président de l’EPFL. 

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

À lire aussi

Accès libre

Superintelligence américaine contre intelligence pratique chinoise

Alors que les États-Unis investissent des centaines de milliards dans une hypothétique superintelligence, la Chine avance pas à pas avec des applications concrètes et bon marché. Deux stratégies opposées qui pourraient décider de la domination mondiale dans l’intelligence artificielle.

A confondre le verbe et l’action, on risque de se planter

De tout temps, dans la galerie des puissants, il y eut les taiseux obstinés et les bavards virevoltants. Donald Trump fait mieux. Il se veut le sorcier qui touille dans la marmite brûlante de ses colères et de ses désirs. Il en jaillit toutes sortes de bizarreries. L’occasion de s’interroger: (...)

Jacques Pilet

Netanyahu veut faire d’Israël une «super Sparte»

Nos confrères du quotidien israélien «Haaretz» relatent un discours du Premier ministre Benjamin Netanyahu qui évoque «l’isolement croissant» d’Israël et son besoin d’autosuffisance, notamment en matière d’armement. Dans un éditorial, le même quotidien analyse ce projet jugé dangereux et autodestructeur.

Simon Murat

Sorj Chalandon compatit avec les sinistrés du cœur

Après «L’enragé» et son mémorable aperçu de l’enfance vilipendée et punie, l’écrivain, ex grand reporter de Libé et forte plume du «Canard enchaîné», déploie une nouvelle chronique, à résonances personnelles, dont le protagoniste, après la rude école de la rue, partage les luttes des militants de la gauche extrême. Scénar (...)

Jean-Louis Kuffer

Coulisses et conséquences de l’agression israélienne à Doha

L’attaque contre le Qatar du 9 septembre est le cinquième acte de guerre d’Israël contre un Etat souverain en deux ans. Mais celui-ci est différent, car l’émirat est un partenaire ami de l’Occident. Et rien n’exclut que les Américains aient participé à son orchestration. Quant au droit international, même le (...)

Jean-Daniel Ruch

Plaidoyer pour l’humilité intellectuelle

Les constats dressés dans le dernier essai de Samuel Fitoussi, «Pourquoi les intellectuels se trompent», ont de quoi inquiéter. Selon l’essayiste, l’intelligentsia qui oriente le développement politique, artistique et social de nos sociétés est souvent dans l’erreur et incapable de se remettre en question. Des propos qui font l’effet d’une (...)

Démocratie en panne, colère en marche

En France, ce n’est pas tant le tourniquet des premiers ministres et la détestation de Macron qui inquiètent, c’est le fossé qui se creuse entre la société et le cirque politicien, avec son jeu d’ambitions qui paralyse le pays. Le tableau n’est guère plus réjouissant en Allemagne, en Grande-Bretagne, en (...)

Jacques Pilet

Le voyage chahuté d’Ursula

Il est fait grand bruit autour d’une fable alarmiste, d’un incident minuscule lors du vol de la présidente de la Commission européenne entre la Pologne et la Bulgarie: la perturbation du GPS attribuée à la Russie et facilement surmontée comme cela est possible sur tous les avions. Quasiment rien en (...)

Jacques Pilet

USA out, Europe down, Sud global in

Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai et les célébrations qui se sont tenus en Chine cette semaine témoignent d’un nouveau monde. L’Europe n’en fait pas partie. A force de pusillanimité, d’incompétence géopolitique et à trop jouer la carte américaine, elle a fini par tout perdre. Pourtant, elle persévère (...)

Guy Mettan
Accès libre

Nos médicaments encore plus chers? La faute à Trump!

En Suisse, les médicaments sont 50 à 100 % plus coûteux que dans le reste de l’Europe. Pourtant, malgré des bénéfices records, les géants suisses de la pharmaceutique font pression sur le Conseil fédéral pour répercuter sur le marché suisse ce qu’ils risquent de perdre aux Etats-Unis en raison des (...)

Christof Leisinger

Le trio des va-t-en-guerre aux poches trouées

L’Allemand Merz, le Français Macron et le Britannique Starmer ont trois points communs. Chez eux, ils font face à une situation politique, économique et sociale dramatique. Ils donnent le ton chez les partisans d’affaiblir la Russie par tous les moyens au nom de la défense de l’Ukraine et marginalisent les (...)

Jacques Pilet
Accès libre

La politique étrangère hongroise à la croisée des chemins

Pour la première fois en 15 ans, Viktor Orban est confronté à la possibilité de perdre le pouvoir, le parti d’opposition de Peter Magyar étant en tête dans les sondages. Le résultat pourrait remodeler la politique étrangère de la Hongrie, avec des implications directes pour l’Union européenne.

Bon pour la tête

Un tunnel bizarroïde à 134 millions

Dès le mois prochain, un tunnel au bout du Léman permettra de contourner le hameau des Evouettes mais pas le village du Bouveret, pourtant bien plus peuplé. Un choix qui interroge.

Jacques Pilet

Ukraine: le silence des armes n’est plus impossible

Bien qu’elles soient niées un peu partout en Occident, des avancées considérables vers une résolution du conflit russo-ukrainien ont eu lieu en Alaska et à Washington ces derniers jours. Le sort de la paix dépend désormais de la capacité de l’Ukraine et des Européens à abandonner leurs illusions jusqu’au-boutistes. Mais (...)

Guy Mettan

Jean-Stéphane Bron plaide pour une diplomatie «de rêve»

Plus de vingt ans après «Le Génie helvétique» (2003), puis avec l’implication politique élargie de «Cleveland contre Wall Street» (2010), le réalisateur romand aborde le genre de la série avec une maestria impressionnante. Au cœur de l’actualité, «The Deal» développe une réflexion incarnée, pure de toute idéologie partisane ou flatteuse, (...)

Jean-Louis Kuffer

La loi du plus fort, toujours

Le mérite de Donald Trump est d’éclairer d’une lumière crue, sans fioritures, la «loi du plus fort» que les Etats-Unis imposent au monde depuis des décennies. La question des barrières douanières est le dernier avatar de ces diktats qui font et firent trembler le monde, au gré des intérêts de (...)

Catherine Morand