Ignazio Cassis: piètre diplomate

Publié le 31 août 2017
Si le candidat tessinois au Conseil fédéral est un virtuose de la politique politicienne intérieure, il brille moins lorsqu’il parle – peu d’ailleurs – de la Suisse face au monde. Ce n’est manifestement pas son sujet préféré. Or il pourrait être demain ministre des affaires étrangères. Cassis a tenu à la RTS des propos sur l’Italie qui révèlent sa courte vue. On peut se dire qu’une fois élu, bien entouré, il se familiarisera avec la diplomatie. Peut-être. Mais cela durera. Or dans le dossier européen, nous laissons filer le temps avec l'illusion qu'il nous sert.

Toute la campagne en vue de l'élection d'un conseiller fédéral tourne autour de son appartenance, autour de la représentativité des régions et des sexes. Fort bien. Mais elle éclipse la question de savoir qui est vraiment préparé à la tâche qui attend le nouveau ministre. Une tête bien faite, d'accord, mais un minimum de culture politique internationale serait bienvenu.
Lors de son interview au Journal du matin de la Radio romande, le favori d’aujourd’hui s’est épanché sur l’«italianita», sur ses raisons d’abandonner son passeport italien et a même pris du temps pour demander à restreindre les indemnités de logement pour les parlementaires qui n’habitent pas à Berne. Pas un mot bien sûr son handicap majeur: son profil de mercenaire des assurances privées. Il s’est aussi plaint des problèmes que nous causerait l’Italie. La méchante qui tarde à conclure des accords fiscaux avec la Suisse, qui laisse passer des migrants et qui envoie des travailleurs au Tessin.
Le fisc? Que l’Italie soit peu pressée d’aller au-devant des souhaits helvétiques, cela se comprend. Pendant des décennies, les fortunes italiennes ont trouvé refuge du côté de Lugano. Cela laisse des traces. Convaincre les partenaires des changements intervenus demande un grand savoir-faire diplomatique. Un peu de tact aussi. Ce qui manquait au propos.
Les migrants? Cassis aurait pu rappeler que les accords de Dublin permettent aujourd’hui déjà de nombreux renvois. Il eût élégant de souligner les efforts de l’Italie pour recevoir dignement les rescapés de la Méditerranée. Mais le fond du problème est ailleurs. Il ne suffit pas de barricader la frontière pour s’en soustraire. Le dilemme est européen. Tout récemment, Italiens, Allemands et Français se sont réunis, avec des dirigeants d’Afrique du nord, pour dessiner ...

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