Dupond-Moretti, un pitbull chez les chats-fourrés

Publié le 13 juillet 2020

Un dessin original de Bernard Thomas-Roudeix (son site: http://thomas-roudeix.com/) – © Bernard Thomas-Roudeix

Nommer Me Dupond-Moretti ministre de la Justice, c’est jeter un pitbull au milieu des chats-fourrés*, sobriquet porté jadis par les magistrats. «Avec moi, ce serait le bordel» prophétisait-il en 2018 sur LCI.

Toutes griffes dehors, la gent magistrate vise déjà le museau de l’avocat qui a souvent mis en scène son aversion envers elle. A l’aise autant dans les prétoires que face aux caméras, Me Dupond-Moretti réservait ses flèches les plus empoisonnées à ces procureurs dont il est aujourd’hui le chef hiérarchique. En le hissant ainsi à la tête de ce ministère, Emmanuel Macron s’est donc livré à une forme d’humour particulièrement perverse.

D’ailleurs dès la composition du gouvernement connue, l’Union syndicale de la magistrature a aussitôt fait savoir qu’elle prenait cette nomination comme «une déclaration de guerre» du président Macron contre la magistrature. Venant du principal syndicat des juges et procureurs, ce propos n’a rien d’un simple feu de bouche.

En France, les Parquets – c’est-à-dire les instances de poursuites pénales et de représentation de la collectivité devant les juridictions de jugement – sont soumis hiérarchiquement au Ministre de la Justice. C’est lui qui propose leurs nominations auprès du Conseil supérieur de la magistrature pour avis, puis du président de la République pour décision finale.

S’il n’a plus le droit de donner des ordres aux procureurs concernant des affaires particulières, ce ministre leur adresse toujours ses instructions en matière de politique pénale.

Acides « remontées »

Mais là où la chatte fourrée a mal au pied, c’est dans le domaine très sensible des «remontées d’informations». Les procureurs généraux envoient leur synthèse sur une information pénale en cours auprès d’un service du Ministère de la Justice (la Direction des affaires criminelles et des...

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