Découverte d’un pan méconnu de l’histoire

Publié le 19 octobre 2020
Ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire. Celle des vaincus, le plus souvent tue, est pourtant digne d’attention. Peu à peu des esprits curieux l’explorent. Parmi eux, le journaliste suisse Jean-Jacques Fontaine, spécialiste du Brésil où il vit en partie. C’est de là qu’il a commencé à tirer le fil qui mène à la captivité des Allemands en France à leur défaite. Son livre «Le cahier de Mulsanne. Prisonniers de guerre allemands en France, 1945-1947» vient de paraître.

Les images des soldats de la Wehrmacht les bras en l’air en 1944 et 1945 nous ont réjoui. On s’est peu demandé ce qu’il leur est advenu. Or on apprend dans le livre de Jean-Jacques Fontaine − Le cahier de Mulsanne. Prisonniers de guerre allemands en France, 1945-1947 − qu’ils furent 700 000 rien qu’en France (onze millions au total), détenus jusqu’en 1947, mis au travail de la reconstruction du pays. Dans de très dures conditions, manquant de nourriture… comme leurs geôliers souvent.
L’auteur ne se prétend pas historien, ne dénonce pas un scandale, il raconte. A Nova Friburgo, où vécurent tant de Suisses immigrés au Brésil, il trouve un cahier où son beau-père a tenu la chronique de sa captivité à partir de juillet 1945 dans le camp de Mulsanne, proche du Mans. Ce lieutenant de 22 ans n’était nullement un nazi convaincu, plutôt catholique croyant. Son récit, au ras du quotidien, illustre un pan de la relation pour le moins compliquée, entre la France et l’Allemagne. Fontaine a retrouvé plusieurs descendants des prisonniers allemands. Tous disent que ceux-ci se sont montrés peu prolixes après leur libération. «Le passé, c’est le passé». Il a néanmoins laissé des traces dans la mémoire d’un peuple. En particulier si l’on songe à ce que vécurent les captifs en URSS, morts par millions, les plus chanceux libérés dans les années cinquante.
La mémoire des peuples
Les pistes qu’a suivies Fontaine éclairent aussi le travail du CICR qui visita les camps d’internement, fit ce qu’il pouvait pour soulager la condition des détenus. A l’époque, les délégués étaient tous suisses, de préférence de «bonne famille». Plusieurs en revinrent fort secoués. L’occasion aussi, pour ce journaliste si familier du Brésil, d’évoquer la forte présence allemande dans ce pays et ses compromissions av...

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