De Roulet dans «La France atomique»

Publié le 23 juillet 2021
Voyageur inlassable, Daniel de Roulet a l’habitude de nous faire pénétrer les profondeurs des paysages. Cette fois, il est allé errer autour des centrales nucléaires françaises. Sans guère nous y faire entrer mais en s’interrogeant, l’air de rien, sur une aventure humaine à la fois fascinante et effrayante.

On ne connaît le nom que des plus célèbres. Mais il y en vingt-quatre qui surgissent dans ce petit livre, écrit avec élégance et retenue. De Roulet n’est plus le militant d’autrefois. Il fait mieux: il nous trouble dans nos certitudes. On devine chez lui une certaine admiration pour ces performances technologiques. Et aussi un effroi. Autour de la fragilité de ces monstres. Ils réchauffent les rivières, on doit les arrêter quand il n’y a plus assez d’eau dans leurs cours. Leurs déchets radioactifs s’entassent dans des piscines, dans des caches «provisoires» alors que leur nocivité est promise à durer pour des milliers et des milliers d’années. Une «pimpante communicante» accueille les visiteurs à La Hague. Ceux-ci se laissent facilement convaincre, comme partout, que tout est sous contrôle. De Roulet, lui, se souvient qu’autrefois on envoyait ces horreurs au fond de la mer, ce qui est interdit aujourd’hui. Mais où les mettre? De quel repli terrestre peut-on être certain qu’il ne sera jamais bouleversé ou découvert par nos héritiers, dans cent, mille, cent mille ans? Ceux-ci comprendront-ils les mots et les signes de mise en garde collés sur les redoutables containers enfouis?
Les Français les aiment, leurs centrales. Pas seulement parce qu’elles sont généreuses d’énergie. Leurs tours ponctuent le paysage comme des châteaux, comme des cathédrales de la modernité. Elles ont exigé tant de savoirs et d’audaces. D’inconsciences aussi? De Roulet le suggère mais ne fait pas la morale, ne se pose pas en sage devant les fous. Loin des slogans, du simplisme des pour et des contre, il trotte dans la réalité, il tourne et retourne sur les routes, les chemins, les bords de rivières. Il gamberge dans le présent, évoque des souvenirs passés, et n’imagine pas trop le futur.
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