Comment les Américains surveillent vos comptes

Publié le 3 septembre 2019
Histoire folle. L’organe d’aide au cinéma romand Cineforom verse une aide à la maison de production CAB. Or, le versement est bloqué par le Crédit suisse. Parce que le motif du paiement comporte le mot «Syrie». Les algorithmes de surveillance se sont affolés. Il s’agit de ne pas déplaire aux Etats-Unis qui imposent partout le boycott de ce pays. Ils tentent ainsi de censurer un documentaire en faveur de la paix à Alep…

La réalisatrice valaisanne Marie Laure Widmer Baggiolini a l’expérience du monde arabe. Elle a tourné, surtout pour la RTS, plusieurs reportages notamment en Libye et au Yemen. En 2017 et en 2018, elle découvre Alep, la Syrie, et une femme d’exception, la chanteuse suisse et syrienne Soumaya, qui promeut un programme en faveur des enfants traumatisés par la guerre: «1,2,3 Hope, Love, Life for Peace». Naît alors le projet d’un documentaire sur cette trajectoire, sur la réalité tragique et à la fois pleine d’espoirs d’une ville fracassée.                                               

Le producteur Jean-Louis Porchet l’appuie et obtient une aide financière pour permettre de concrétiser le scénario. Cineforom, financé par les cantons romands, les villes de Lausanne et Genève. Et la Loterie romande a précisément été créé pour cela. Mais le virement de la BCV vers le compte de CAB au Crédit suisse est bloqué. La banque s’en explique sans ambages par mail: «Comme vous le savez, le motif ‘Syrie’ dans le paiement a engendré des blocages dans le trafic de paiements» (sic). Le projet détaillé est alors envoyé au CS mais pour l’heure, le versement reste suspendu. Attend-on le feu vert de Washington? On est en plein dans le sujet des pressions américaines sur tous les Etats pour interdire les transactions ayant de près ou de loin à voir avec les pays diabolisés par l’administration américaine. Une réalité éloignée de nos préoccupations quotidiennes et locales. Mais là, on en voit les effets jusque dans un innocent versement de Genève à Lausanne!

Deux semaines après l’ordre donné, la somme n’a toujours pas été versée.

Cette immixtion incroyable dans le monde du cinéma suisse n’aura pas de conséquences. Le film se fera à n’en pas douter. On ne peut qu’encourager à persévérer cette réalisatrice talentueuse qui a d’ailleurs reçu aussi un coup de pouce du canton du Valais et ce producteur qui n’est pas réputé pour reculer devant les embûches.

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