Publié le 11 mars 2020

Michael Wyler s’est rendu auprès des réfugiés à Lesbos (Grèce), où joue à plein le « bal des faux-culs ». – © P. Meier

Bienvenue au Grand Bal des faux-culs, coupeurs de cheveux en quatre et chantres des indignations stériles. Ouvrons le bal avec la valse «Titanic» à la gloire de notre civilisation chrétienne et occidentale et festoyons, amis, car les jours du dictateur turc Erdogan sont comptés. Nous, Communauté Européenne lui avons clairement dit: «si tu continues comme ça, tu vas voir ce que tu vas voir!»

A Lesbos, rien de nouveau

Efficace et sur place depuis plusieurs années, Astrid Castelein, cheffe du bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés à Lesbos m’informe: la semaine dernière, 566 réfugiés, dont 25 % de femmes, ont débarqué sur l’île. 77 % proviennent d’Afghanistan, 8 % de Syrie et 4 % de Somalie. Sur les 226 enfants arrivés ces derniers jours, 158 ont moins de 12 ans et 32 sont des mineurs non accompagnés. En tout, l’île accueille 20’168 réfugiés et demandeurs d’asile sur un total de 42’050 pour l’ensemble des îles de la mer Egée.

Cela fait des années que cela dure, que les conditions de (sur)vie de ces réfugiés et migrants sont abjectes, que les médias en parlent, que politiques et populations (je parle de l’Europe, dont la Suisse fait partie géographiquement et à laquelle elle est étroitement associée) le savent. Mais bon, voilà… Nous avons d’autres préoccupations: Netflix ou Canal+? Swisscom ou Sunrise? Avions de combat ou augmentation de l’AVS? 

Une petite nouveauté quand-même: la Grèce s’est mise à bafouer ouvertement le droit international en refusant d’enregistrer les demandes d’asile de quelque 520 nouveaux arrivés, bien gardés par l’armée et la police. On ne peut donc les voir se dérouiller les jambes qu’à distance, au pied d’un navire de guerre, planqué dans le port de Lesbos. Plus de 450 d’entre eux dorment à même le sol dans les cales, alors que les autres passent leurs nuits dans des autobus, parqués au pied du bateau.

Le navire de guerre grec où sont « parqués » les réfugiés auxquels la Grèce a refusé le droit de demander asile, dans le port de Lesbos. © P. Meier

Tout ou presque a été dit, montré et écrit sur les conditions abjectes dans lesquelles croupissent les réfugiés, que ce soit à Lesbos, Samos ou ailleurs. Les photos ci-dessous, prises il y a quelques jours sont plus parlantes que les descriptions écrites, si ce n’est qu’elles ne montrent pas l’odeur parfois pestilentielle qui se dégage des monceaux d’ordures que la municipalité de Lesbos laisse pourrir sans vergogne.

© P. Meier

© P. Meier

© P. Meier

© P. Meier

Mythilène sur Léman

Montreux et Mytilène, la principale ville de l’ile de Lesbos, comptent environ le même nombre d’habitants. Mais si, à quelques kilomètres de Montreux, on trouve la belle ville de Vevey, ce que l’on trouve à quelques kilomètres de Mytilène, c’est le camp «d’enregistrement et d’accueil» (sic) de Moria. Equipé pour  recevoir 3000 personnes, il en abrite près de 20’000, vivant sous des tentes de fortune, dans la boue quand il pleut, entourés de vermine, rats, serpents et scorpions par beau temps sans eau, ni électricité, avec une toilette – souvent bouchée – pour 150 personnes. On fait ses besoins où on peut et de préférence pas de nuit, car ces dernières sont propices aux agressions, qu’elles soient sexuelles ou autres, même si, il faut le dire, elles sont rares. Mais personne n’a vraiment envie de prendre le risque. 

Depuis mon dernier passage, il y a deux ans, un petit progrès quand-même: des organisations caritatives ont loué des champs avoisinant, ce qui évite aux nouveaux venus de devoir squatter. Par ailleurs, certains ont monté des mini-commerces, préparation de galettes de pain, vente de fruits et légumes, cartes SIM ou habits. Il y a même un coiffeur! Et comme les réfugiés reçoivent tous quelques dizaines d’euros par mois du HCR, ce (tout) petit commerce ne se porte pas trop mal et donne un semblant de normalité à ces campements.

Il y a même un coiffeur… © P. Meier

Mais bon, pour la plupart de ces misérables coincés sur cette île et interdits de travail, les journées sont bien longues. Pas possible de suivre des cours en ligne car il n’y a pas d’électricité pour alimenter les ordinateurs et les ONG sur place ne sont pas à même de satisfaire toutes les demandes de formation. Donc, le mieux à faire, le dimanche, c’est de suivre le match de foot (beaucoup de joueurs Congolais!), sur un terrain vague pas trop loin du camp.

Une petite castagne entre amis?

Ces derniers jours, des «militants» d’extrême-droite, parfois venus d’Athènes, de France et d’Allemagne – accompagnés de quelques rares locaux –  sont venus castagner ces «noirs et musulmans qui veulent nous envahir». Comme me le dit Horst, un baraqué bien tatoué, croisé à l’hôtel: «nous sommes venus soutenir nos amis Grecs, car ce pays est le premier bastion de résistance à l’invasion de l’Europe par l’Islam». Un peu trop «casseurs», Horst et ses copains se sont fait arrêter vendredi et – si on en croit la rumeur  – mis dans l’avion de retour par la police locale le lendemain matin.

Samedi dernier, une manif  antifasciste bon enfant a réuni quelque 300 personnes – et presque autant de policiers – en ville de Mytilène. Rien à signaler. Puis, dans la nuit, les salles de classe et bureaux d’une ONG suisse ont été incendiées et quelques réfugiés menacés. 

L’école incendiée de l’ONG Suisse « One Happy Family » © P. Meier

Mais bon, on fait avec et si l’on peut comprendre que sur l’île, certains commencent à en avoir sérieusement ras-le-bol, ils sont (encore) rares. Après tout, le HCR et les organisations d’entraide ont engagé du personnel local et dépensent chaque mois plusieurs millions d’euros  en subsides nourriture, vêtements, etc., et si le tourisme a pris une sacrée baffe, la population locale ne s’en sort pas trop mal, du moins si l’on en croit la fréquentation des nombreux bars le long du quai.

Une jeune fille syrienne au camp de Moria. © P. Meier

La suite?

Dans quelques jours et dans Bon Pour La Tête, avec une tentative de réponse à la question «et comment tout cela va-t-il continuer?»

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