En se racontant simplement, Mikhaïl Chichkine parle à tous

Publié le 10 juillet 2020

© Matthias Rihs

Après de grands romans couverts de prix et de mémorables essais, dont «La Suisse Russe», le plus helvète des auteurs moscovites nous revient avec un ensemble de textes personnels infiniment attachants évoquant sa mère, une impossible passion amoureuse, Robert Walser dans son «modeste coin» ou une visite à Montreux au fantôme de Nabokov, notamment.

Les circonstances particulières que nous vivons, depuis quelque temps, nous rappellent tous les jours, et à titre pour ainsi dire mondial, que notre vie ne tient qu’à un fil; et c’est cela même, dès son titre, que le dernier livre de l’auteur russe Mikhaïl Chichkine, bientôt sexagénaire et donc avec le début de recul d’un sage, nous suggère à son tour en filant la métaphore de manière bien concrète et vécue. De fait, c’est par le «fil» de la martingale de son manteau d’enfant que sa mère, un jour, l’a sauvé en le retenant au moment où il allait tomber d’un quai de gare sous le train; et longtemps l’idée que ladite martingale eût pu céder à ce moment-là hantera la chère mère de son souvenir à la fois angoissant et béni.

Ce bref épisode de la martingale s’inscrit dans la première des nombreuses «histoires» que raconte Mikhaïl Chichkine en s’adressant à son lecteur comme s’il se parlait à lui-même ou à ses enfants, et plus précisément encore à sa mère défunte avec laquelle il a vécu les séquelles d’un divorce, les rigueurs d’une autorité «sévère mais juste», comme on dit, jamais favorisé par cette institutrice et directrice d’école dont il dépendait directement; et plus tard les croissantes dissensions «politiques» opposant le fils, proche des dissidents, et sa mère fidèle au Parti jusqu’à en découvrir les failles et même la vilenie de certains camarades.

Cette première «histoire», à valeur d’exorcisme personnel et de quête d’un pardon mutuel, d’innombrables jeunes...

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