En France, le dilemme des associations LGBT face à l’homophobie en banlieue

Publié le 4 mars 2020
Invoquant parfois l’islam, des habitants des quartiers populaires, principalement de jeunes hommes, voient dans l’homosexualité une norme étrangère à leurs mœurs et, pour certains d’entre eux, agressent des gays et des lesbiennes. Les militants LGBT, très remontés contre le catholicisme conservateur, ont en revanche tendance à relativiser face à ce phénomène, voire à lui trouver des circonstances atténuantes, craignant de stigmatiser une population marginalisée. Enquête.

Si l’homophobie est présente en France dans tous les milieux sociaux, elle prend un caractère singulier en banlieue. Ce terme, «banlieue», est chargé de toute une histoire qui recouvre celle de l’immigration, en particulier originaire du Maghreb et d’Afrique sub-saharienne. Abandonnées ou perdues dans l’imaginaire public, les banlieues en sont venues à cultiver une forme d’autonomie citoyenne, une manière de ne pas s’en laisser conter, propice à l’enracinement de spécificités, notamment sur la question des mœurs.
L’hostilité de principe d’une partie des habitants des quartiers populaires, essentiellement parmi les jeunes hommes, envers les gays et lesbiennes, se pare d’un vernis civilisationnel sur fond d’islam identitaire, une sorte de patrimoine politico-affectif à préserver à tout prix. En soi, cela participe d’un repli, de ce que le président Macron a autrement nommé «séparatisme» dans son discours de Mulhouse, le 18 février. Cette aversion essentialiste pour les gays et lesbiennes s’accompagne d’une logique de territoire qui pourrait se résumer à un mot d’ordre: pas de ça chez nous.
Virilisme et traditions
L’homosexualité y est alors perçue comme une norme contraire à la religion musulmane, plus largement à une éthique se réclamant d’une tradition virile, et comme une tentative néocoloniale consistant à défaire un lien social reposant sur des bases «saines», forme de décence commune, fierté d’une population modeste en butte à des discriminations. Ce récit héroïque, un spartakisme conservateur, en vogue dans une frange de l’indigénisme décolonial, aurait pour un peu des accents pasoliniens, la banlieue passant pour l’homologue de la paysannerie vertueuse de l’Italie d’après-guerre, corrompue par l’économie de marché alliée à des intellectuels communistes bourgeois –...

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