Mexicain un jour, Mexicain toujours
(aux yeux des autres)

Publié le 3 octobre 2017
Juan sait qu'il ne sera jamais vu comme un Américain aux Etats-Unis. Il sait aussi qu'il n'est plus considéré comme un Mexicain par ses pairs. Le dernier volet de l'interview d'un apatride balloté entre les souvenirs de son pays d'origine et son avenir tout tracé: l'illégalité.
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Chapitre 1, de Neza à Tijuana: Un aller (pas) simple pour New York En libre accès
Chapitre 2, la traversée: Des haricots, de l’eau, des cookies et le coyote En libre accès
Chapitre 3, boulots à la pelle: «Si vous êtes Mexicain, pire, illégal, vous êtes traité comme un déchet» En libre accès
Chapitre 4: L »agression En libre accès
Chapitre 5: Ces Mexicans sont des «violeurs, des criminels…»
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Y a-t-il des gens ici pour vous aider?

Il y a tant de personnes vous savez. J’ai rencontré tant de gens géniaux qui m’ont beaucoup aidé et encouragé. Ma partenaire Maria. Mickey, quelqu’un qui ma poussé dans la voie de la photo, Paul, mon ex-patron. Je dis toujours, j’ai rencontré de très bonnes personnes aux États-Unis et j’ai rencontré des gens vraiment très cruels.

Chaque fois que je vois un avion, je pense à mon pays, car pour moi, c’est comme si je vivais dans une cage. Toute ma vie est ici. J’ai maintenant passé plus de temps à vivre ici que j’en ai passé au Mexique, ce qui est bizarre car quand tu quittes ton pays, tu es sans domicile fixe en quelque sorte. Si je rentrais au pays, je ne serais plus capable de me réinsérer aujourd’hui. Quand je parle avec des Mexicains rencontrés ici, ils me décrivent comme trop «américanisé». « Tu ne parles même plus comme un Mexicain», me disent-ils. Au point que tu ne n’appartiennes plus à aucun pays.

Ici, je ne serai jamais accepté comme un Américain et je ne serai jamais vu comme un Américain. Si je rentre au pays, je ne serai probablement pas vu comme un Mexicain non plus. En quittant mon pays, cela m’a seulement fait l’apprécier encore plus. Je sais que le Mexique est un pays avec beaucoup de problèmes. Mais c’est toujours chez moi et j’espère être capable d’y retourner dans un futur proche.


Comment décririez-vous votre vie maintenant?
J’ai réussi à vivre plutôt bien. Je ne suis pas riche bien sûr mais je vis dans un bon quartier. Je suis entouré de bonnes personnes. Tous mes voisins sont gentils et très accueillants. Nous avons une relation proche. Je me suis concentré sur mon art et j’essaie de rester positif. Une des choses que j’ai décidé de faire au lieu d’avoir d’autres personnes qui me prennent comme objet de travail documentaire, c’est de décider de faire ce travail moi-même et de raconter mon histoire selon mon propre point de vue. Je travaille aussi, en ce moment, sur un essai photographique intitulé «Bad Hombres» qui va se concentrer sur trois de mes plus proches amis. Pas juste des travailleurs journaliers, mais des artistes comme moi. Je veux montrer le côté positif de leur situation d’immigrés. Je veux aussi montrer que même s’ils font de la construction et qu’ils font des tâches lourdes, ils peuvent aussi être créatifs. Je veux montrer ce parallèle pour changer la vision qu’ont les gens des immigrés. Je suis très enthousiaste à propos de ce travail. Je viens d’obtenir mon diplôme d’études supérieures au Community College, un diplôme spécialisé dans la photo. Aujourd’hui, je continue d’étudier au FIT, le Fashion Institute of Technology à New York. Je cherche à obtenir mon Bachelor en photographie, à m’éduquer et je veux essayer d’aider les autres.

FIN

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